Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/98

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propose de faire une adresse aux quatre-vingt-deux départements pour développer les principes qui dirigent la très grande majorité des citoyens et assurer formellement que dans tous les temps, les individus et les personnes sont respectés dans cette ville. Cette motion est fortement appuyée et couverte d’applaudissements, il est arrêté à l’unanimité que M. le Maire se charge de rédiger l’adresse. »

C’était la réponse à l’adresse du 3 septembre qu’au nom du Conseil de surveillance ou Comité du salut public, Marat, Sergent, Panis, avaient envoyée à toutes les communes de France. En quatre jours le revirement semble complet, et le pouvoir passe des ultra-révolutionnaires aux modérés de la Commune. Bien mieux, en restituant l’influence dominante à Pétion, la Commune paraît remonter au delà même du Dix Août et rendre toute son autorité à l’ancienne municipalité « légale ». C’est l’effet du mouvement de réaction qui a suivi les meurtres du 2 et du 3.

En tout ordre de question, la Commune semble préoccupée de tempérer le mouvement du peuple. Le 6 septembre « la section des sans-culotte demande à être autorisée à faire enlever les grilles de la paroisse Saint-Médard pour fabriquer des piques. Le Conseil passe à l’ordre du jour motivé sur ce que les églises conservées pour le service divin resteront dans l’état où elles se trouvent. »

L’impression de modération, d’apaisement que donne alors la Commune est si grande que des propositions d’amnistie générale s’y produisent. Tous les citoyens de Paris qui avaient signé les fameuses pétitions des vingt mille et des huit mille contre la journée du 20 juin et contre la formation d’un camp sous Paris, étaient depuis le Dix Août comme mis hors la loi. Ils étaient, en tout cas, rejetés hors du droit commun politique, et constitués à l’état de citoyens passifs, juste à l’heure où l’ancienne distinction des citoyens actifs et des citoyens passifs était abolie. Ils n’étaient point admis à briguer les suffrages dans les sections. Ils n’étaient point admis à prendre part aux assemblées primaires. Or, dès le 4 septembre, au soir, dans la détente de pitié qui suit les fureurs du 2 et du 3, la proposition est faite à la Commune « d’oublier l’incivisme des pétitionnaires des vingt mille et des huit mille et de les regarder comme des frères ». La Commune trouva qu’on voulait l’entraîner trop loin dans le système de conciliation et d’indulgence, et elle passa à l’ordre du jour « motivé sur ce qu’il est bien dans le cœur de tous les citoyens de conserver les propriétés et de défendre les personnes mais non pas de fraterniser aveuglément avec des hommes qui propageaient le royalisme de tout leur pouvoir, non plus que de donner dans un tolérantisme qui pourrait perdre la chose publique ». Grande leçon pour ceux qui croient à l’efficacité révolutionnaire des œuvres de sang ! Leur premier effet est de déchaîner, si je puis dire, des mouvements de pitié qui vont vite au delà du point marqué par la sagesse et la prudence. La tentative est renouvelée