Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/133

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finale, pèserait sur les propriétés individuelles ainsi hypothéquées ; et cette indétermination aurait paralysé toutes les transactions ; comment acheter et vendre, quand les biens immobiliers sont grevés d’une hypothèque aléatoire et que ni l’acheteur, ni le vendeur ne peuvent calculer ? C’eût été jeter dans l’agiotage toute la fortune immobilière de la France. Et quel embarras au jour du règlement ! Comme toutes les propriétés des patriotes seraient hypothéquées, et que ceux qui n’auraient pas de ressources disponibles pour couvrir la valeur des assignats à rembourser auraient été obligés, tous ensemble, de mettre leurs biens en hypothèques, la dépréciation de tout le domaine foncier aurait été formidable.

Enfin, à moins de faire de cette hypothèque générale une hypothèque légale et forcée s’imposant à tous les domaines en proportion de leur valeur, il n’y aurait eu que les biens des meilleurs patriotes qui auraient été hypothéqués ; et les contre-révolutionnaires ou les indifférents, ou les tièdes, n’auraient pas offert leurs biens en gage. Ainsi, c’est sur les défenseurs les plus dévoués de la Révolution, et sur eux seuls qu’aurait pesé toute la charge. Et l’opération aurait abouti, à quoi ? à l’expropriation des révolutionnaires.

Mais si la combinaison proposée était en effet inadmissible, elle marquait du moins que la France commençait à craindre d’être arrivée à l’extrême limite du crédit de l’assignat. Il faudra, pour soutenir celui-ci, chercher des ressources complémentaires. Et au lieu d’accepter le sacrifice exclusif des patriotes, il faudra imposer ce sacrifice à tous les riches. De là l’idée de l’emprunt forcé selon une règle progressive, idée qui apparaîtra bientôt et dont l’offre téméraire des patriotes est une sorte d’ébauche.

Les forces militaires dont pouvait disposer la Convention étaient bien diminuées ; partout, en Allemagne, en Belgique, par l’effet du froid, du dénûment, et aussi par la retraite des volontaires qui ne s’étaient engagés que pour une campagne, les armées avaient fondu de plus de moitié ; et pour reconstituer l’effectif nécessaire de cinq cent mille hommes, il fallait faire une nouvelle levée de trois cent mille. Le Comité militaire et son rapporteur Dubois-Crancé voulurent profiter de cette nécessité pour réorganiser l’armée. Elle était formée, on le sait de deux éléments. Il y avait des bataillons de troupes de ligne, et il y avait des bataillons de volontaires.

Il y avait environ deux bataillons de volontaires pour un bataillon de ligne. Ces deux éléments n’étaient pas soumis au même régime. La durée de service des troupes de ligne était fixe ; celle des volontaires était variable. La solde des volontaires était plus élevée que celle des troupes de ligne. Les officiers des troupes de ligne étaient nommés par le pouvoir exécutif ; les officiers de volontaires étaient élus par les soldats. La discipline, le Code pénal n’étaient pas les mêmes.

De plus, il y avait surabondance d’officiers de cadres dans les troupes de