Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/159

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dérés », s’intitulant, dit le procès-verbal, « défenseurs de la République une et indivisible », prennent la parole pour défendre Pache. Et surtout, « une députation des 48 sections de Paris, du Conseil général et des défenseurs réunis des 84 départements » demande des lois contre l’agiotage sur le papier-monnaie. De même que, dans les premiers jours d’août, les sections révolutionnaires menaient le maire de Paris, Pétion, à leur tête pour se couvrir le plus possible des formes légales, et s’imposaient ainsi à la Législative, de même c’est le faible maire de Paris, Chambon, démissionnaire de la veille, qui présente la députation et qui parle en son nom. C’est sous le couvert de la loi que l’organisation nouvelle fait son entrée à la Convention.

Ce qui frappe d’emblée, dans les déclarations et manifestes de ces groupements révolutionnaires, c’est le souci dominant des questions économiques, c’est l’accent de revendication sociale. Même quand ils semblent se proposer un objet exclusivement politique, même quand ils demandent à la Convention de hâter la mort du tyran, ce n’est pas surtout pour des raisons d’ordre politique, ce n’est pas pour affermir la liberté, châtier les traîtres, épouvanter les despotes, ou du moins, ce n’est pas surtout pour cela. On dirait que Louis est pour eux le symbole d’un long régime d’iniquité et de misère dont ils veulent effacer jusqu’au souvenir, et il y a dans leur parole je ne sais quel accent de colère sociale, plus profond même que le conflit de la monarchie et de la république, de la liberté et de la tyrannie. La pitié pour le roi leur paraît un outrage à des souffrances plus poignantes, parce qu’elles sont imméritées, et une offense à l’humanité elle-même, qui attend enfin une réparation.

« Cette femme qui pleure aujourd’hui sur la destinée de Louis Capet, est allée voir, à une croisée, immoler un père de famille qui, révolté de la scélératesse d’un accapareur, a cru devoir alléger la taxe de sa subsistance.

« Nous, plus justes, nous ne plaiderons pas la cause du tyran, mais, contre le tyran, celle de l’humanité toute entière. Nous demandons la punition de Louis au nom des êtres étouffés dans le germe sous un règne oppresseur, par les travaux forcés et la misère ; nous la demandons au nom de tous ceux qui, depuis l’avènement de Louis au trône, ont été sacrifiés au luxe et à la prodigalité de sa cour ; au nom des patriotes immolés dans les colonies sous le fer des contre-révolutionnaires stipendiés par Louis ; au nom des victimes englouties jusqu’en 1789 dans les prisons d’État ; au nom des innocents morts dans les tourments de la question jusqu’au moment où l’indignation publique le força de bannir de France cet odieux régime ; au nom des malheureux qui ont péri sur l’échafaud par l’ordre des juges ignorants ou iniques auxquels il avait vendu le droit de faire la justice ; au nom de tous ceux qui sont morts dans les asiles de la misère et de la maladie, par la négligence des préposés que les abus de son règne y avaient introduits ; au nom de ces infortunés soldats qu’il retrancha dans son palais, le 9 août, et qu’il