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Élysées au cri de : « À bas les Jacobins ! » mêlé peut-être du cri de : « Vive le roi ! »

La Gironde éloignait ou attiédissait partout l’ardeur révolutionnaire : elle cherchait des excuses même à la contre-révolution de l’Ouest.

Je lis, à la date du 21 mai, dans la Chronique de Paris, rédigée alors par les deux girondins Ducos et Rabaut Saint-Étienne, ces paroles extraordinaires et qui montrent la sorte de solidarité funeste qui commençait à se nouer entre la Gironde et la contre-révolution par un esprit commun de négation et de résistance :

« Robespierre le jeune a entrepris de justifier cette conduite des tribunes en récriminant contre ceux qui s’en plaignaient avec le plus d’amertume. Il a accusé nominativement quelques-uns de ses collègues de tenir, à la tribune, le même langage que les révoltés de la Vendée.

« Ces révoltés, dans ce cas, viendront bientôt à résipiscence, puisqu’ils demandent, comme les membres inculpés, que la Convention nationale soit respectée, et qu’une constitution républicaine succède à l’anarchie qui nous dévore ; il ne peut y avoir entre eux et les patriotes que des malentendus. »

Malgré ce qui se mêle d’ironie à ces phrases, il y a une avance évidente à la Vendée, la tentative déjà avouée de former un grand parti de conservation et de modération. Abandonnée à la direction girondine, la Révolution se serait dissoute. La situation était si grave, les ennemis de la France avaient conçu de telles espérances de la trahison de Dumouriez et du soulèvement de l’Ouest, que Fersen écrivait à Marie-Antoinette comme si elle allait être, dans quelques jours, régente de France. Du Temple, où elle était enfermée, elle correspondait avec le dehors par l’intermédiaire d’un des deux commissaires de la Commune, Touland, qui avait été touché de son malheur et de sa triste beauté.

Ainsi, en mars ou avril, M. de Jarjayes a pu envoyer à Fersen copie d’un billet qu’il a reçu de la « reine » :

« Adieu, je crois que si vous êtes bien décidé à partir, il vaut mieux que ce soit promptement ! Mon Dieu ! que je plains votre pauvre femme. T… (Touland) vous dira l’engagement formel que je prends de vous la rendre, si cela m’est possible. Que je serais heureuse si nous pouvions être bientôt tous réunis ! Jamais je ne pourrai assez reconnaître tout ce que vous avez fait pour nous. Adieu ! ce mot est cruel ! »

Et Fersen, par la même voie, lui faisait tenir cette lettre datée du 8 avril et qui est tout un plan prochain de régence et de restauration :

« La position où vous allez vous trouver va être très embarrassante, vous aurez de grandes obligations à un gueux (Dumouriez) qui, dans le fait, n’a cédé qu’à la nécessité : il n’a voulu bien se conduire que lorsqu’il voyait l’impossibilité de résister plus longtemps. Voilà tout son mérite envers vous ; mais cet homme est utile, il faut s’en servir et oublier le passé ; avoir même l’air