Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/347

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de croire ce qu’il dira de ses bonnes intentions ; agir même franchement avec lui, pour les choses que vous pouvez désirer, et le rétablissement de la monarchie dans son entier, et telle que vous la voulez et que les circonstances la permettent. Vis-à-vis de Dumouriez, vous ne risquez rien ; son intérêt est en ce moment intimement lié au vôtre et au rétablissement de votre autorité comme régente. Il doit craindre celle de Monsieur et l’influence des princes et des émigrés ; mais il faudrait tâcher de ne pas trop vous engager avec lui, et surtout écarter le plus possible tous les autres intrigants qu’il voudra placer et recommander ; ses gens vous seront incommodes, et il sera facile de lui prouver qu’ils le seront même pour lui, et pourraient affaiblir les obligations que vous lui avez, et diminuer les récompenses qu’il doit attendre, en gênant ce que vous seriez tentée de faire pour lui. C’est un homme vain et avide, il sentira la force de ce raisonnement, et votre esprit vous suggérera mieux que moi les choses à lui dire là-dessus.

« Votre volonté sur le rétablissement de la monarchie sera encore gênée par l’influence des puissances coalisées. Il n’y a plus de doute que le démembrement partiel du royaume ne soit décidé ; leur intérêt, j’en excepte la Prusse, la Russie et l’Espagne, est de donner à la France un gouvernement qui la tienne dans un état de faiblesse.

« M. de Mercy ne peut et ne doit vous donner des conseils que d’après cette base. Il faut donc vous défier un peu de ce qu’il vous dira là-dessus et mettre en opposition les avis de gens sages, intéressés, comme vous, au rétablissement de la monarchie et de votre autorité ; de cette opposition peut naître un résultat moins défavorable pour vous.

« Vous ne pouvez être régente sans le chancelier et l’enregistrement des parlements, et il est intéressant d’insister là-dessus ; c’est même une raison pour faire le moins de choses possibles jusqu’à cette époque. Il vous faut un conseil de régence, il faudrait le convoquer, avant de rien faire. Il ne faut pas hésiter à y appeler les princes, même le prince de Condé ; c’est un moyen de le rendre nul. Il faut tâcher d’empêcher Dumouriez d’en être président ou membre, et lui parler franchement là-dessus s’il en témoigne le moindre désir. En tout, jusqu’au moment où vous serez reconnue régente, et où vous aurez formé votre Conseil, il faut faire le moins possible et payer tout le monde en politesses…

« L’évêque, avec qui j’ai beaucoup causé et à qui j’ai dit mes idées, vous les expliquera mieux que je ne le pourrais par écrit. Vous serez contente de lui et de sa sagesse. Il vous instruira de tout, et je l’ai trouvé très raisonnable et sentant la nécessité de se prêter aux circonstances. S’il était nécessaire que Dumouriez fût chef du Conseil de régence, ou même si vous y placez Monsieur, il serait bon d’y appeler le baron (de Breteuil), si vous ne voulez pas faire de lui le chef de ce conseil.

« Mon zèle m’a seul dicté ces aperçus. Les circonstances peuvent les faire