Aller au contenu

Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

système du remplacement. Et puisque aussi bien ils étaient exposés à être envoyés à la frontière, à la fatigue, au péril, pourquoi ne pas agir tout de suite ? Ils quittaient donc « leurs alcôves tapissées », pour aller s’emparer des sections. Ce n’est pas Hébert seul qui constate que souvent ils y réussirent. Le policier Dutard qui, avec son emphase, ses prétentions et son système de modérantisme, ne manque pas d’esprit d’observation, marque souvent, dans ses notes secrètes au ministre de l’intérieur, Garat, ce renouveau des forces bourgeoises.

Du 1er mai : « Je vais au palais de l’Égalité et aux Tuileries ; il n’y avait presque que des aristocrates ou des brissotins. — Le Conseil général de la Commune avait pris un arrêté qui invitait les sections à envoyer des commissaires pour y prendre des notes et répandre dans les sections les opérations du Conseil général. Chaumette qui avait fait prendre cet arrêté, a entièrement manqué son objet, car il n’y vient que des aristocrates ou des brissotins, et je ne doute nullement qu’il ne soit intimidé par le sang-froid que gardent certains vieillards, lorsqu’il fait des motions incendiaires… »

Et le zélé Dutard (trop zélé pour l’expectant Garat qu’il importune de ses plans) sonne le ralliement de toutes les forces conservatrices :

« Que dès aujourd’hui, que dès cet instant la trompette de la réunion sonne chez tous les propriétaires, au plus grand nombre possible, qu’ils consolent le peuple, qu’ils relèvent au courage ; que les plus grands sacrifices soient faits ; que l’or, l’argent, les bons traitements de toute espèce, que rien, en un mot, ne soit épargné. Que l’on fasse bien entendre à l’aristocratie combien elle a intérêt de se réunir à la partie saine du peuple ; qu’on lui explique bien clairement que s’il arrive la moindre insurrection, elle sera moulue, et qu’il ne s’en sauvera pas un seul… »

Dans le rapport du 3 mai :

« Pourquoi, me dira-t-on, les Jacobins n’ont-ils pas fait une attaque à Paris depuis la fuite de Dumouriez ? C’est que la classe des mécontents est trop nombreuse, c’est que cette classe, qui à la vérité est vaincue par la timidité, est presque la seule qui ait des armes (car presque tous les marchands sont armés) ; c’est que les commis de l’administration ont tous la réputation d’être des aristocrates, et qu’il pouvait arriver qu’en un instant tous les gens armés et réunis à la classe proscrite fissent une vive résistance. Hébert dit le mot dernièrement à l’égard de la fête qui devait avoir lieu au Champ de Mars : « Vingt mille contre-révolutionnaires seraient bientôt rassemblés, et pourraient s’emparer des postes intérieurs et des armes et des arsenaux ».

Dans le rapport du 5 mai :

« Je vous donne comme une certitude que le moment présent n’est pas celui que vous devez redouter, que vous avez au moins trois ou quatre jours pendant lesquels vous n’avez rien à craindre. Je pourrais en donner mille raisons, mais la principale est que la faction (la Commune et la Montagne)