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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/483

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Marat sur l’affaire de septembre, de Versailles, etc. ne pourrait pas condamner Marat sans s’accuser lui-même. Le véritable esprit à l’égard de Marat dans toute la classe du petit peuple est celui-ci : c’est que le peuple ne l’estime pas, il le regarde même comme un peu fou ; mais, soit ses prédictions qui ont été suivies de quelques réalités, soit sa résistance continuelle aux divers partis que le peuple haïssait, soit enfin l’idée que le peuple s’est faite de son intégrité (et l’intégrité est le dieu du peuple), lui a fait des partisans et lui a obtenu l’amour et la protection du petit peuple.

« Et moi aussi, je vous l’avoue, je me suis dit plus d’une fois, en lisant les feuilles de Marat : « Cet homme a raison. » Très souvent même, je l’ai trouvé plus conséquent que nos grands raisonneurs qui, semblables à l’aigle qui, au moyen de fortes ailes, plane au haut des cieux, oublie la terre qui lui fournit l’aliment, et sur laquelle il doit reposer, ont oublié essentiellement la cause du peuple, ont voulu travestir tous ses goûts, ses penchants, ses habitudes, pour l’entraîner dans les espaces métaphysiques. Marat, lui, est resté avec le peuple, et toujours avec le peuple. Il disait dans une de ses feuilles, il y a quelques mois : « On parle de supprimer le traitement des prêtres constitutionnels. Je conviens que ce serait épargner bien des millions à la nation française. » (Tout Paris, la Commune, etc., retentissaient de cette suppression projetée.) « Mais, ajoutait Marat, ne serait-ce pas le comble de l’infamie ? Alors on ne ferait donc plus aucune différence entre le réfractaire et le constitutionnel, entre le vice et le crime, puisque le traitement serait le même. » Si Marat avait toujours parlé de même, je vous avoue qu’il n’y aurait point à Paris de maratiste qui me ressemble, parce que j’aime beaucoup aussi, moi, l’esprit de justice. »

Ce sens pratique et cette possession de soi-même, Marat en avait fait preuve plus récemment encore lorsque, sous le coup des premiers désastres de Belgique, il avait ajourné les représailles contre Dumouriez, déconseillé l’insurrection. Qu’est-ce à dire ? c’est que, malgré le vif émoi causé par l’arrestation d’Hébert, le peuple ne s’engagera à fond que si Marat et Robespierre donnent le signal. Or, dans la journée du 25, la Gironde déchaînait à la Convention toutes les colères. Excitée par l’adresse trompeuse et fourbe des sections contre-révolutionnaires de Marseille, elle entendit avec impatience les délégués de la Commune de Paris demandant une enquête sur la dénonciation de la section de la Fraternité et l’élargissement d’Hébert.

« Un autre objet nous amène devant vous. Les magistrats du peuple, qui ont juré d’être libres ou de mourir, ne peuvent voir sans indignation la violation la plus manifeste des droits les plus sacrés. Nous vous dénonçons l’attentat commis par la Commission des Douze sur la personne d’Hébert, substitut du procureur de la Commune : il a été arraché du siège du Conseil général et conduit dans la prison de l’Abbaye. Le Conseil général défendra l’innocence jusqu’à la mort. Il demande que vous rendiez à ses fonctions