rellement le peuple autour de l’endroit où nous étions ; un petit morceau de papier jeté dans la cheminée y mit le feu avec la plus grande rapidité, la fumée sortait par gros flocons ; déjà les locataires et les voisins s’assemblaient ; nous fermâmes les portes et nous parvînmes à éteindre le feu avec la même promptitude qu’il avait pris.
« Je me rendis ensuite à l’Assemblée, en traversant les groupes les plus menaçants. »
Le premier acte du conseil général révolutionnaire avait été de désigner comme commandant général de la garde nationale (et en violation du décret de la Convention) le commandant du bataillon de la section des Sans-Culottes, Henriot. Il voulait donner une impulsion centrale et une direction unique au mouvement. Mais l’insurrection n’avait pas, si l’on peut dire, un courant très énergique et très net. Sous les coups répétés du tocsin, les citoyens prenaient leurs fusils, sortaient de leurs demeures, se réunissaient à l’entrée de la rue ou au poste de la section. Lentement, et par petits groupes, ils se dirigeaient vers la Convention, mais aucun mot d’ordre vigoureux et clair ne se dessinait, et nul n’aurait pu dire si tous ces hommes étaient des insurgés allant attaquer la Gironde jusque dans l’Assemblée nationale, ou des gardes nationaux veillant au maintien de l’ordre, ou des curieux flânant au soleil et allant aux nouvelles. C’était comme une mer sombre parfois, mais où se jouait la lumière et dont les vagues incertaines semblaient ne menacer aucun rivage.
En s’associant à la Commune pour élargir le mouvement, l’Évêché avait amorti sa fougue. Il me semble pourtant que Michelet exagère l’atonie et la passivité de Paris, il exagère aussi la résistance de la Commune aux mesures vigoureuses que prépare le Comité révolutionnaire séant à l’Évêché.
« Ce qui frappe et qui surprend, dit-il, dans les actes de l’époque, c’est l’éclipse à peu près complète de la population de Paris. Le nombre des votants aux élections de section est vraiment imperceptible. Sauf trois (des plus riches, la Butte-des-Moulins, le Muséum et les Tuileries) qui, dans ces jours de crise, apparaissent assez nombreux, les autres n’ont guère plus de cent votants, et presque toujours le nombre est bien au-dessous. Celle du Temple, pour une élection importante, n’en a que 38. On peut affirmer hardiment, en forçant même les chiffres et comptant cent hommes pour chacune des 48 sections, que toute la population active politiquement (dans cette ville de 800 000 âmes) ne faisait pas cinq mille hommes… Paris, en réalité, avait donné sa démission des affaires publiques. »
Pourtant, en mai, l’animation des sections fut parfois extrême. Ce qui est vrai, c’est qu’il y avait incertitude et division plus qu’indifférence. Quand Michelet insiste sur le petit nombre des votants, par exemple sur le petit nombre de voix qu’en novembre 1792 Lhuillier eut au scrutin, il oublie que même en septembre, même aux élections générales pour la Convention, le