Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/565

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Au contraire, en maintenant l’ordre, en respectant la Convention, il avait désavoué les factieux : ainsi Vergniaud, en une manœuvre à la fois confiante et habile, revendiqua pour lui, pour ses idées, pour sa cause, ce vaste Paris animé, mais pacifique, qui attendait les événements.

« Citoyens, s’écria-t-il comme pour confirmer les paroles de Couthon, on vient de vous dire que tous les bons citoyens devaient se rallier ; certes lorsque j’ai proposé aux membres de la Convention de jurer qu’ils mourraient tous à leur poste, mon intention était certainement d’inviter tous les membres à se réunir pour sauver la république. Je suis loin d’accuser la majorité ou la minorité des habitants de Paris ; ce jour suffira pour faire voir combien Paris aime la liberté. Il suffit de parcourir les rues, de voir l’ordre qui y règne, les nombreuses patrouilles qui y circulent, pour décréter que Paris a bien mérité de la patrie.

« — Oui, oui, s’écrie-t-on de tous les côtés de la salle.

« Oui, je demande que vous décrétiez que les sections ont bien mérité de la patrie en maintenant la tranquillité dans ce jour de crise, et que vous les invitiez à continuer la même surveillance jusqu’à ce que tous les complots soient déjoués. »

Aux acclamations de l’Assemblée toute entière, la motion de Vergniaud est adoptée. Il semble que la Gironde ait reconquis le droit de parler au nom de Paris, et que la journée où elle devait succomber va être pour elle une journée de relèvement. Barère, au nom du Comité de salut public, apporte un projet de transaction. La Commission des Douze sera cassée, et la force armée de Paris sera à la réquisition de la Convention. C’était tout ensemble briser l’instrument dictatorial mis aux mains de la Gironde et l’instrument insurrectionnel de l’Évêché et de la Commune. C’était la Convention retrouvant toute sa souveraineté et sa primauté éclatante. Libérée à la fois de la coterie girondine et de la tutelle de la Commune, elle était la nation révolutionnaire et armée. Peut-être si tout le côté droit avait eu la sagesse de se rallier d’emblée à cette proposition du Comité de salut public, il pouvait s’assurer une large part d’influence au lendemain de la crise. Mais quoi ! n’était-ce point renoncer à l’esprit de domination exclusive et de faction ? N’était-ce pas s’effacer devant ce Comité de salut public où semblait parfois dominer Danton ? Le côté droit murmure et marque sa résistance, avouant ainsi que ses félicitations à Paris ne sont qu’une tactique et une intrigue ; car si Paris est debout vraiment pour défendre la liberté et la loi, à quoi bon une Commission inquisitoriale chargée de désarmer et de poursuivre des complots imaginaires ou inefficaces ?

Et pendant que la Convention hésite, pendant que l’intransigeance girondine reparaît, voici qu’un coup de théâtre se produit. Le département qui avait convoqué le matin, aux Jacobins, toutes les autorités constituées et les délégués des sections, entre en scène. C’était bien tard, semble-t-il.