Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/638

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sance de cette loi, puisque toute la classe des citoyens ci-devant inactifs, au moyen d’une taxe moindre que trente sous, jouira du même avantage !

« Il est de toute évidence que depuis la classe des citoyens ci-devant inactifs, en remontant jusqu’au propriétaire de mille livres de rente, tout ce qui se trouve dans l’intervalle a intérêt à la loi.

« Même pour le propriétaire de mille livres de rente elle est utile ; car il n’est aucun citoyen qui, jouissant de ce revenu, ne s’abonne volontiers à cent livres par an pour la dépense de l’éducation de tous ses enfants. Ainsi, tout le poids de la surcharge portera uniquement sur ceux qui possèdent plus de mille livres de rente. Ainsi, plus du dix-neuf vingtième de la France est intéressé à la loi ; car, certainement, il n’y a pas plus d’un vingtième des citoyens dont le revenu excède cent pistoles.

« Dans toute cette partie nombreuse de la nation, je ne vois de lésés que les célibataires, ou les personnes mariées et sans enfants ; car ils retirent zéro. Mais je doute que leurs plaintes vous touchent, ceux-ci ont moins de charges que le reste des citoyens.

« D’après ce système, vous voyez qu’il n’y a que le riche dont la taxe se trouverait plus forte que ce qui lui en coûterait pour élever sa famille. Mais, dans sa surcharge même, j’aperçois un double avantage : celui de retrancher une portion du superflu de l’opulence, celui de faire tourner cette surabondance maladive au soulagement des citoyens peu fortunés, j’ose dire au profit de la société toute entière, puisqu’elle lui fournit les moyens de fonder une institution vraiment digne d’une République, et d’avoir la somme la plus grande de prospérité, de splendeur et de régénération. »

Écoutez comme Lepelletier s’anime et s’émeut à développer les conséquences humaines et sociales de son système :

« J’ose le demander, s’écrie-t-il, où sera maintenant l’indigence ? Une seule loi bienfaitrice l’aura fait disparaître du sol de la France. Jetez les yeux sur les campagnes ; portez vos regards dans l’intérieur de ces chaumières ; pénétrez dans les extrémités des villes, où une immense population fourmille couverte à peine de haillons ; connaissez les détails de ces utiles familles ; là même le travail apporterait l’aisance ; mais la fécondité y ramène encore le besoin. Le père et la mère, tous deux laborieux, trouveraient facilement dans leur industrie ce qu’il leur faut pour vivre ; mais ce pain gagné péniblement n’est pas pour eux seuls, des enfants nombreux leur en arrachent une partie, et la richesse même qu’ils donnent à l’État repousse sur eux toutes les horreurs de la misère.

« Là, par l’injustice vraiment odieuse de notre économie sociale, tous les sentiments naturels se trouvent dépravés et anéantis.

« La naissance d’un enfant est un accident. Les soins que la mère lui prodigue sont mêlés de regrets et du mal-être de l’inquiétude. À peine les premières nécessités sont-elles accordées à cette malheureuse créature, car