Aller au contenu

Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/646

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
1490
HISTOIRE SOCIALISTE

même de l’institution scolaire. Et ce n’était point là la méditation solitaire de Lepelletier. Non seulement dès que son plan sera connu, en juillet 1793, il sera adopté et patronné par Robespierre alors très puissant. Non seulement Robespierre dira, avec une sorte d’enthousiasme, à Félix Lepelletier : « C’est admirable ; c’est le premier ouvrage qui soit à la hauteur de la République. » Non seulement on put croire un moment, en juillet que la Convention allait en faire la base de ses travaux, mais, dans la discussion même de décembre 1792, le brillant orateur girondin Ducos, sans discuter les détails d’un projet qui n’était pas connu encore, abonde dans le même ordre de pensées.

« Je pense, disait-il, que tous les enfants nés dans la République doivent être astreints à suivre pendant un certain temps les écoles primaires ; tant que par une éducation commune vous n’aurez pas rapproché le pauvre du riche, le faible du puissant, tant que, pour me servir des expressions de Plutarque, vous n’aurez pas acheminé à une même trace et moulé sur une même forme de vertu tous les enfants de la patrie, c’est en vain que vos lois proclameront la sainte égalité, la République sera toujours divisée en deux classes : les citoyens et les messieurs. »

Que l’on complète donc la haute pensée encyclopédique du projet de Condorcet, dont Marie-Joseph Chénier était le rapporteur, par la véhémence rationaliste de Jacob Dupont et par le grand esprit social de Lepelletier, quelle merveilleuse richesse et ampleur d’idées dans la Convention commençante ! Le système d’éducation entrevu par elle touche, par sa cime, aux plus hautes régions de la science et de la philosophie, et il pénètre, par une première application communiste, jusqu’au fond même de la vie populaire et prolétarienne. De l’esprit affranchi et renouvelé tous les Conventionnels paraissent attendre, au delà même des institutions les plus hardies de la démocratie à ses débuts, l’affranchissement et le renouvellement de la vie humaine.

Mais ce n’est pas seulement autour des questions d’enseignement et d’éducation qu’affluaient les hautes pensées. En confiant à un comité le soin d’élaborer un projet de constitution, la Convention n’avait pas voulu lui laisser le monopole de la recherche. Elle avait invité tous ses membres, bien mieux, elle avait invité tous les citoyens de la France, tous les citoyens de l’univers, à proposer leurs plans, à apporter leur idée ; et, comme l’organisation des pouvoirs politiques dans une démocratie touche à toutes les formes de la vie, aux formes économiques aussi bien qu’aux formes politiques, comme la Déclaration des Droits de l’Homme soulève le problème de la propriété en même temps que celui de la liberté, comme les institutions créées par la volonté des hommes réagissent nécessairement sur la formation et la distribution des richesses, toute la question sociale était posée devant la Convention. Le projet présenté en février par Condorcet au nom du comité de constitution, s’il était très hardi dans l’ordre politique, s’il poussait la démocratie jusqu’à ses formes extrêmes, était, au contraire, assez prudent