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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/679

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la réalisation toute prochaine de la grande unité humaine ? Aujourd’hui, les socialistes les plus simplistes, ceux qui, méconnaissant les lois de révolution, semblent attendre la réalisation soudaine et totale de l’internationalisme comme du communisme, savent du moins qu’ils peuvent compter sur une force concrète et agissante d’unité. Ils savent que les prolétaires de tous les pays, unis malgré les antagonismes nationaux par la communauté d’intérêts de classe essentiels, pèsent de tout leur poids dans le sens de l’unité humaine. Et si on peut dire qu’il y a une part d’illusion dans des espérances trop hâtives, du moins elles n’ont rien de chimérique. Sur quelle force pouvait compter Clootz pour accomplir en quelques années (il va jusqu’à marquer un délai de deux ans) l’unité humaine ? Il avait foi dans la force homogène de la Révolution qui chez tous les peuples devait susciter et organiser les mêmes intérêts. Après tout, son État humain n’est que la conséquence logique extrême de la politique de la propagande. Si chez les nations mêmes dont elle combat les chefs, la Révolution peut rencontrer des amis, si elle fait apparaître ainsi sous la diversité des formes nationales l’identité du fond révolutionnaire, pourquoi ne pas consolider en une nation unique ce fond homogène ? Pourquoi ne pas organiser après la paix, en unité politique, l’unité révolutionnaire qui s’était manifestée dans le combat ?

« Mais, dit-on, la majeure partie du genre humain est encore dans l’abrutissement, que deviendrions-nous si elle allait se prononcer en faveur du despotisme et de l’aristocratie ? Question très oiseuse, car les esclaves n’ont point de volonté propre, et la guerre actuelle avec les despotes et leurs satellites est précisément à dispute du vrai souverain contre les faux souverains. Nous repoussons la force par la force, mais l’erreur se dissipera chez nos voisins comme chez nous. Plusieurs de nos départements ont été plus gangrenés que l’Espagne et l’Italie. Renversons les tyrans et nous aurons bientôt effacé les traces du despotisme et de l’aristocratie. Les esclaves et leurs maîtres forment un bétail qui n’a point de voix dans la société des hommes libres. La paix serait faite si les droits de l’homme étaient reconnus partout ; car quiconque reconnaîtra ces droits se rangera de notre côté. Un vieux proverbe dit : « Qui se ressemble, s’assemble, » or rien ne ressemble plus à un sans-culotte du Nord qu’un sans-culotte du Midi ; rien ne ressemble plus à un aristocrate de l’Orient qu’un aristocrate de l’Occident. Vous verriez aujourd’hui tous les oppresseurs se coaliser contre nous, si leur monstrueux système ne tendait pas à les détruire, car ils partagent la souveraineté entre des princes et des sénats toujours jaloux et rivaux. La fortune des tyrans est placée sur trente têtes, mais la fortune du peuple est placée sur toutes les têtes de l’espèce humaine. De prétendus souverains, les agents du mensonge, ne seront jamais sincèrement unis ; le souverain éternel, l’organe de la vérité, sera toujours un, indivisible, impassible. Il ne s’agit plus de faire reconnaître frivolement