Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/717

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« — Pour réparer les torts que les hommes leur ont faits jusqu’ici, pour faire révérer tous les titres que la nature et son auteur ont établis en faveur de la femme pour le bonheur du genre humain.

« — En attendant que ces temples soient bâtis, où placerez-vous la nouvelle éducation sociale des femmes ?

« — Dans les églises, dans les monastères des religieuses qui seraient traitées comme les religieux et les autres prêtres (c’est-à-dire selon le plan de Boissel, déliées de tout vœu et autorisées à garder pour vivre une part des domaines qu’elles possédaient auparavant). Au surplus, dans quelque maison ou dans quelque lieu que se trouve une mère avec sa fille, la maison ou le lieu, serait un temple pour les nouveaux élèves. »

Sous cette noble discipline, le travail humain s’ordonnerait sans que la brutale maîtrise de la propriété continuât à intervenir.

« On établirait dans les temples et dans tous les ateliers des magasins et des serres pour tous les différents genres de production de la terre, des arts et de l’industrie, afin de pourvoir à tous les différents genres de besoin, de commodité, de sûreté et d’agrément. Chaque classe et chaque genre de fonction aurait son uniforme, on instituerait des fêtes et des jeux qui seraient consacrés au maître de l’Univers.

« … Les bontés et les faveurs des femmes qui seraient nos juges, comme nous leurs gardiens, seraient le principe et la fin, après Dieu, de nos actions, ce qui établirait un empire plus noble et plus puissant sur les âmes que les espèces d’or et d’argent qui les ont dégradées et corrompues. »

Mais pour que cette noble et libre action des femmes puisse s’exercer, il ne faut pas qu’elles soient captives par le mariage d’un homme égoïste et brutal. Le mariage n’est que tyrannie, hypocrisie et désordre. Le don de l’âme et de la personne, déterminé non par une basse et capricieuse sensualité, mais par un généreux amour, doit rester toujours libre ; et c’est pourquoi Boissel dissout le mariage comme la religion et la propriété ; la fonction sociale de la femme n’est possible que par la liberté :

« — Mais que deviendraient la paternité et la maternité ?

« — Elles ne seraient qu’un titre pour commander à tous les enfants, et les élever pour leur bonheur, comme la qualité d’enfant ne serait qu’un titre pour aimer, respecter tous les pères et toutes les mères et pour les chérir… Ô mon père ! Ô ma mère ! Ô mon frère ! Ô ma sœur ! Ô mon fils ! Ô ma fille ! Ô mes amis ! exprimeront tous les degrés de parenté. »

J’ai dit que Boissel était un ancêtre, un précurseur du saint-simonisme. Ce panthéisme naturaliste, cette foi au progrès, cet optimisme infini, ce communisme hiérarchique, cette discipline idéale et cette fonction sociale de la femme, cette croyance en la pluralité des mondes et des existences, ce sont les traits essentiels de la pensée saint-simonienne. Quelle prodigieuse fermentation d’idées en ces premières années de la Révolution ! Et comme