Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/738

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tuer, le but du législateur a été d’arrêter l’accumulation des fortunes dans une même main, et que pour parvenir au même but il faut ici prendre une marche contraire.

« On observera encore que nous portons des limites injustes au droit de propriété ; mais nous répondrons que personne n’a encore de propriété individuelle sur les communaux ; car ce qui appartient à tous n’appartient à aucun particulier. C’est donc par l’effet de la loi que les habitants acquerront aujourd’hui cette propriété ; la loi peut donc leur imposer des conditions que leur intérêt même commande. »

Mais cette restriction du droit de propriété sera limitée à dix ans et elle cessera tout de suite si le possédant quitte la commune. Souhait insiste, constatant d’ailleurs combien les pauvres sont portés vers le partage des communaux. Toujours par leur influence, par leur imprévoyance, les communes décideront le partage ; et quand ensuite, au bout de dix ans ou même avant (par leur départ de la commune), les pauvres auront vendu leur lot, n’ayant plus la ressource du bien communal, que deviendront-ils ? Et comment dans l’état si difficile des finances de la Révolution, comment espérer qu’elle trouvera les 200 millions par an qui seraient nécessaires pour subvenir aux besoins de millions de pauvres ?

En vérité, Souhait reproduit contre le partage des communaux quelques-unes des objections que l’abbé Maury formulait contre l’aliénation des biens d’Église « patrimoine du pauvre ». Ce qui est vrai, c’est que dans la période intermédiaire qui va du communisme rudimentaire et charitable du moyen âge au communisme de science et de justice, par où s’affirmera l’humanité de demain, la multiplication des propriétés individuelles découpées dans les domaines nationaux ou communaux n’est un bien que si elle est complétée par une forte organisation des secours publics. La Révolution le savait, elle le proclamait ; et on ne peut lui imputer des misères qui ont été la suite de sa défaite partielle, la conséquence de la longue éclipse de la démocratie et de la liberté.

Donc, dans l’ordre de l’action comme dans l’ordre de la pensée, toutes les grandes idées sont formulées, tous les grands précédents sont créés avant la chute de la Gironde ; et la Montagne victorieuse n’a besoin ni d’invention politique ni d’invention sociale. Elle n’a pas à imaginer, à susciter tout un ordre nouveau de conceptions et d’institutions ; son grand devoir, sa mission historique et vraiment « sainte » (la sainte Montagne), c’est d’agir, c’est de sauver la Révolution par l’énergique concentration des forces nationales. Sa tâche précise, c’est de créer un gouvernement capable d’action décisive et rapide contre les factions contre-révolutionnaires du dedans, contre l’ennemi du dehors qui obsède et entame les frontières.

La Convention, longtemps paralysée par les chicanes et les prétentions girondines, va être l’assemblée de défense nationale et révolutionnaire. Elle