Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/76

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Que signifient les sommations de la Commune, les pétitions arrogantes des sections, les violences des feuilles de Paris ? Ce sont des portions minuscules du souverain qui veulent jouer au souverain, et qui, si la Convention a du sang-froid, si elle a conscience de sa propre force, seront châtiées par le ridicule et le mépris plus encore que par la loi. Mais que signifie l’appel au peuple ? Ce serait disperser de nouveau la souveraineté que le peuple même, pour son salut, a concentrée ; ce serait « détruire le point de ralliement des volontés du peuple, affaiblir le gage et le moyen qui seul établit l’unité de la République. »

Je reviens à l’image grande et forte sous laquelle Barère représentait la Convention. Lui-même, sans doute, dans ses conversations politiques comme dans ses discours, y revenait volontiers : « J’ai, dit-il, comparé souvent la Convention à Hercule qui, dans son enfance, se débattait contre des serpents. » Mais Hercule ne déléguait pas sa massue, pas plus qu’il ne permettait, quand il en était armé, que l’on dirigeât son bras. La Convention ne permettait pas à la Commune de Paris de diriger son action, et quand l’heure était venue d’abattre de sa massue herculéenne la royauté, elle ne se dessaisissait point, par l’appel au peuple, de sa force souveraine. Ainsi Barère installait la Convention au centre de l’action politique, et c’est de ce centre que devait se développer toute la force de la Révolution. C’est pour avoir compris cette grandeur impersonnelle de la Convention que Barère est un des hommes en qui la Révolution se reconnaît.

Baudot a écrit : « Barère, durant son exil à Bruxelles (après 1815), était très recherché des Anglais whigs ; ils le regardaient comme un type de la Révolution, tandis qu’ils ne s’occupaient nullement de Sieyès, de Thibaudeau, de Merlin et autres ; c’étaient pour eux des figures effacées par mille impressions différentes. »

Oui, et mieux qu’un type de la Révolution : il s’était en certaines journées, par son identité avec la Convention, identifié à la Révolution. Dans l’opinion calme et forte qu’il lui apporta le 4 janvier 1793, elle reconnut « le point de ralliement ». Il parla avec noblesse de Vergniaud, au moment même où il se séparait de lui.

« L’opinion soutenue avec tant d’éloquence par Vergniaud a un avantage naturel sur l’opinion contraire, et cet avantage est dans l’âme de ceux qui nous écoutent. Vergniaud réunit en faveur de son opinion tout ce qu’il y a de penchants nobles et délicieux dans le cœur humain, la générosité, l’adoucissement des peines, le plus bel attribut de la souveraineté, la clémence, et l’hommage légitime que chaque citoyen se plaît à rendre à la souveraineté du peuple.

« Cet orateur a eu pour son opinion tout ce qu’il y a de favorable et de touchant, il ne reste à la mienne que ce qu’il y a de sévère et d’inflexible dans les lois. Il n’y a dans mon lot que l’austérité républicaine, la sévérité