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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/791

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France révolutionnaire répondit aux menaces de l’univers. C’était « la fête de l’Union, de l’Unité et de l’indivisibilité françaises ». Des délégués de toute la France étaient venus, apportant l’adhésion des assemblées primaires à la Constitution. Et tandis que dans toutes les assemblées primaires, à la même heure, une même fête de l’Unité et de l’Indivisibilité exaltait les cœurs, à Paris, la grande fête centrale concentrait tous les rayons et les réfléchissait sur le monde. C’est le grandiose génie de David qui avait tracé le plan de la cérémonie magnifique ; et le récit qui en a été fait n’est que la transposition au passé du programme qui avait été rédigé par le maître. Quelle beauté d’ordonner ainsi la puissance du peuple ! L’horizon, borné par la guerre, s’emplit de la majesté sereine de la Révolution. À l’heure même où les hommes et les peuples se déchirent, la France révolutionnaire leur révèle, par une sublime anticipation de sa victoire, ce que sera le monde agrandi par la liberté.

« Les Français réunis pour célébrer la fête de l’Unité et de l’indivisibilité se sont levés avant l’aurore ; la scène touchante de leur réunion a été éclairée par le premier rayon de soleil ; cet astre bienfaisant dont la lumière s’étend sur tout l’univers, a été pour eux le symbole de la vérité, à laquelle ils ont adressé des louanges et des hymnes.

PREMIÈRE STATION

« Le rassemblement s’est fait sur l’emplacement de la Bastille : au milieu de ces décombres, on a vu s’élever la fontaine de la Régénération, représentée par la Nature. De ses fécondes mamelles qu’elle a pressées de ses mains, a jailli avec abondance l’eau pure et salutaire dont ont bu, tour à tour, quatre-vingt-six commissaires, des envoyés des assemblées primaires, c’est-à-dire un par département ; le plus ancien d’âge a eu la préférence ; une même coupe a servi pour tous.

« Le président de la Convention nationale, après avoir, par une espèce de libation, arrosé le sol de la liberté, a bu le premier ; il a fait successivement passer la coupe aux commissaires des assemblées primaires ; ils ont été appelés, par lettre alphabétique, au son de la caisse et de la trompe ; une salve d’artillerie, à chaque fois qu’un commissaire a bu, a annoncé la consommation de l’acte de fraternité.

« Alors on a chanté sur l’air chéri des enfants de Marseille des strophes analogues à la cérémonie ; le lieu de la scène a été simple, sa richesse a été prise dans la nature ; de distance en distance on avait tracé sur des pierres des inscriptions qui ont rappelé la chute du monument de notre ancienne servitude ; et les commissaires, après avoir bu tous ensemble, se sont donné réciproquement le baiser fraternel.

« Le cortège a dirigé sa marche par les boulevards. En tête étaient les