Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/824

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« Au delà de 9 000 livres de revenus, à quelque somme qu’il s’élève, la taxe sera, outre les 4 500 livres dues pour 9000 livres, la totalité de l’excédent : de sorte qu’un revenu de 10 000 livres sera taxé 5 500 livres, un revenu de 11 000 livres sera taxé 6 500 livres et ainsi de suite. »

Si forte que soit la progression, on remarquera qu’elle n’aboutit jamais à demander au citoyen un versement supérieur ou même égal à une année de son revenu. Ceux qui ont plus de 9 000 livres de revenu, seront tenus de contribuer pour la totalité de leur revenu d’un an moins 4 500 livres. Donc, à la rigueur, les Français n’étaient pas obligés d’entamer leur capital : il leur suffisait de réduire extraordinairement leurs dépenses cette année-là. Mais beaucoup sans doute prélevèrent sur leur capital, sur leur réserve d’assignats notamment, de quoi faire face à l’emprunt forcé. Dans le rapport de la Commission des finances, Ramel, pour faire accepter plus aisément aux riches cette lourde taxe, leur persuade que la rentrée au Trésor d’un milliard d’assignats va amener la baisse des denrées, et que par conséquent les citoyens retrouveront d’un côté ce qu’ils auront prêté de l’autre.

« Il me semble entendre les hommes fortunés répondre à cette assertion qu’elle pourrait être vraie, si tous les citoyens, sans distinction, venaient présenter la moitié des sommes qu’ils ont en leur pouvoir. Nous vous permettrions de faire usage de ce raisonnement, si vous aviez partagé jusqu’à ce jour, avec vos frères, le poids du jour, la fatigue de la Révolution. Si vous vous étiez présenté les premiers pour renverser le trône et repousser les satellites des despotes, vous pourriez invoquer cette exacte égalité, dont vous ne parlez que lorsque vous voulez qu’on vous ménage. Avez-vous, comme le pauvre, payé de vos sueurs et de votre sang votre dette à la patrie ? »

Aussi bien, il s’en faut que tout le poids de l’emprunt ne portât que sur les riches. Ramel nous apprend en effet (et c’est un état très intéressant de la répartition de la richesse en 1793) que, d’après l’aperçu des rôles des contributions, « la moitié de la fortune générale appartient aux citoyens qui ont moins de 1 000 livres de rentes ; car, dans les contributions, ce sont les petites sommes qui font les grandes. Ceux-là possèdent donc la moitié des 3 milliards auxquels était évalué le revenu public, soit un revenu de 1 500 millions ; sur les 1 500 000 livres restant, le tiers n’est pas possédé par des particuliers riches de plus de 6 000 livres de rente. » Il est vrai que pour ceux-là, au-dessus de 4 500 livres, l’emprunt forcé prenait tout le revenu.

Mais ni la démonétisation des assignats à face royale, ni la négociation des annuités, ni l’emprunt forcé d’un milliard, ne pouvaient suffire à faire rebondir le crédit de l’assignat. Il n’y avait qu’une solution décisive du problème : c’était de fixer, par le maximum, le prix de toutes les marchandises. Dès lors, non seulement il n’y avait plus discrédit de l’assignat, mais ce discrédit n’avait même plus de sens ; car, du moment que l’assignat devait être toujours accepté en paiement, et que le rapport de l’assignat à