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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/861

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en leurs mains tout ce qui peut soutenir la vie de leurs semblables, il est clair que l’existence des citoyens est à leur disposition. Il faut permettre au peuple de leur faire rendre gorge ; il faut donner aux sans-culottes la propriété de tout ce qu’ils prendront sur eux. »

Ce n’est pas dans une vue de réorganisation sociale, c’est seulement dans une pensée de combat révolutionnaire que Baudot voulait écraser l’aristocratie mercantile, et c’était presque l’appel anarchique au pillage. Mais, le 27 septembre, à Castres, dans cette ville de bourgeoisie industrielle, de fabricants de draps, qui un moment avait paru suivre son représentant Lasource dans la lutte contre la Montagne, c’est la nationalisation des fabriques que Baudot fait entrevoir nettement à ceux qui résisteraient. J’ai donné plus haut la reproduction photographique de la page du registre de la municipalité de Castres où le discours de Baudot est résumé.

La séance du Conseil de la Commune, qui se tenait à huis clos pour des mesures de sûreté générale, devint publique quand on annonça le représentant :

« Le citoyen Baudot a dit que plusieurs départements s’étaient laissé égarer par les malveillants sur les journées des 31 mai, 1er et 2 juin ; que le département du Tarn avait des reproches à se faire ; que, néanmoins, déjà depuis longtemps on ne pouvait compter au nombre des vrais républicains que ceux qui adhéraient formellement à cette Révolution mémorable et salutaire, et que ces journées étaient le signe auquel on reconnaissait les patriotes… Il a dit que le fédéralisme avait été enfanté par l’égoïsme, que c’étaient ceux qui avaient gagné le plus à la Révolution en tenant le peuple dans la misère et en ne proportionnant pas le prix des salaires des ouvriers aux profits énormes qu’ils faisaient sur leur fabrication ; mais qu’ils sachent que, s’il le faut, la nation s’emparera de leurs fabriques et pourvoiera ainsi elle-même à la subsistance de la classe industrielle qui peuple les ateliers.

« Le citoyen représentant, considérant ensuite le haut prix du pain, sa mauvaise qualité en général et la rareté des subsistances, a exhorté le Conseil général de s’occuper sans relâche de ce grand objet de sa sollicitude, conseillant d’ôter aux boulangers la fabrication du pain et d’établir une boulangerie municipale ».

Nationalisation des fabriques, boulangerie municipale, ce serait un programme socialiste complet, si Baudot n’avait pas vu seulement dans ces mesures un remède temporaire à une crise exceptionnelle. Le Conseil de la Commune lui répondit qu’il avait le projet « d’établir une boulangerie afin que le pain qu’on distribue soit plus beau et de meilleure qualité ».

Ce qui prouve qu’alors la pensée immanente des événements était plus hardie que la pensée des hommes, c’est que Baudot, dans ses notes, sembla avoir complètement oublié cette crise quasi-socialiste de son esprit. Ce n’est certes point par calcul qu’il a gardé le silence là-dessus : les notes qu’il a