Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/932

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle dissémina et enracina la Révolution. Et les larges ressources provenant de cette nouvelle série de ventes alimentèrent les victoires de l’an II.

Peut-être les lois relatives aux grains (mai 1793), et les lois du maximum qui taxaient toutes les denrées de première nécessité, notamment les denrées agricoles, fournirent-elles aux acquéreurs des domaines un prétexte à modérer les prix de la terre. En ce sens le maximum qui semblait destiné surtout à protéger les consommateurs des villes contre la cupidité des terriens, contre les prétentions abusives des fermiers, eut-il pour effet, par une sorte de compensation économique, de tempérer les surenchères et de livrer la terre aux fermiers et bourgeois ruraux à des prix relativement bas. Quand donc Mallet du Pan, résumant à grands traits la vie économique de cette époque, dit que « sous le gouvernement de Robespierre » les villes avaient imposé leur loi aux campagnes, il ne tient pas suffisamment compte de la complexité des faits et de la double action inverse de la loi du maximum qui limitait directement contre les fermiers les prix des denrées, mais qui limitait indirectement à leur profit le prix de la terre.

Grande fut la résistance opposée à l’application du maximum non seulement par les propriétaires ruraux et fermiers, mais par les marchands des villes. J’ai cité la séance de la Commune où Chaumette, dénonce, pour Paris, ces résistances. Ce n’étaient pas seulement les gros marchands qui se plaignaient et se rebellaient. Les détaillants, les revendeurs et revendeuses se plaignaient aussi. Et à vrai dire, la détermination d’un prix uniforme, tel qu’il paraissait résulter de la loi trop sommaire de septembre, qui ne distinguait pas entre le prix à la fabrication, le prix marchand de gros et le prix marchand de détail, eût été surtout dommageable aux revendeurs au détail. Non seulement le bénéfice qu’ils prélevaient les derniers, après le bénéfice du marchand de gros et le bénéfice du producteur, était naturellement le plus menacé, mais comme dans la période de discrédit de l’assignat les prix de détail avaient été proportionnellement majorés plus que les prix de gros, comme par exemple le prix d’un chou avait été augmenté en proportion plus que le prix d’une pièce de drap (par la difficulté de trouver des subdivisions de l’assignat correspondant à des graduations très faibles), le menu commerce se trouvait atteint profondément et protestait avec violence. Et derrière les détaillants les marchands en gros abritaient leur résistance. C’est pour cela que le 11 Brumaire, an II, la Convention décréta que le prix serait calculé à la fabrication (sur la base des prix de 1790 accrus d’un tiers), et que les prix de fabrication seraient ensuite majorés de 5 pour 100 pour le bénéfice des marchands en gros et de 10 pour 100 pour le bénéfice des marchands de détail. Les frais de transport à partir du lieu de fabrication devaient être calculés par les districts.

La Commission des subsistances, pour dresser le tableau général des prix selon le mandat qu’elle en avait reçu en Brumaire, s’adressa à toutes