et devant le monde, se livrant ainsi elle-même au hasard des paroles dramatiques et émouvantes qui pouvaient jaillir du cœur de cet homme, roi d’hier et pour beaucoup martyr de demain, si elle avait écouté Louis et ses conseils dans ce silence profond, si, sur la motion de Barère, elle avait mandé le conseil exécutif et la municipalité pour assurer autour de ses délibérations l’ordre, le calme et un silencieux respect, si Marat lui-même demandait passionnément que le jugement eût lieu avec apparat et avec une suffisante lenteur, ce n’était pas pour livrer à l’heure décisive la majesté du vote aux menaces de quelques forcenés.
S’il y avait eu vraiment, le 16 et le 17 janvier, une organisation de menaces, elle aurait été dénoncée d’emblée à la tribune même de la Convention, et par les plus grands hommes de tous les partis. Or il n’y a au procès-verbal qu’un mot de Lefranc :
« Charles Villette m’a prié d’instruire l’Assemblée d’un fait… A la porte même de cette salle on a dit à Charles Villette que, s’il ne votait pas la mort de Louis, il serait massacré. »
Charles Villette, un seul député ! Et s’il y avait eu vraiment un appareil de terreur destiné à agir sur toute l’Assemblée, y aurait-il eu besoin d’avertir celle-ci ? Legendre répondit :
« Je suis d’avis qu’on ne vienne pas nous rapporter ici les cris de quelques stipendiés, pour en prendre occasion de calomnier le peuple de Paris. »
Et ce fut tout. Quand on sait comment la Convention toute entière, un peu plus tard, au 25 février, au 10 mars, se souleva contre toute tentative de pression extérieure, quand on sait comment Marat dénonça et accabla les chefs des groupes « factieux », quand on songe que, pour que la Convention cédât, le 31 mai et le 2 juin, à la force du dehors, il fallut tout l’ébranlement de la trahison de Dumouriez, de la guerre de Vendée et des événements de Lyon, et un vaste mouvement de Paris, il apparaît bien que le 16 et le 17 janvier la Convention n’aurait pas toléré une minute la moindre entreprise sur sa liberté et sur sa dignité. Il n’y eut rien, rien qu’une lettre sénile et affolée, criminelle vraiment à force de délire, qu’envoya Roland. Le Comité de sûreté générale l’avait informé que des personnes effrayées quittaient Paris et que ce mouvement d’émigration pouvait semer la panique. Il répondit, le 16 janvier au matin, que ces frayeurs étaient bien naturelles dans une ville où des furieux parlaient sans cesse de meurtre, de pillage, d’incendie, où l’on vivait toujours dans « l’attente affreuse » du massacre.
« Je sais que la Commune et Santerre disent que tout est tranquille : je sais qu’ils l’assuraient aussi au 2 septembre. »
Voilà la lettre que Roland envoyait au Comité de la Convention le jour même où celle-ci prononçait sur le sort de Louis XVI. Voilà le tocsin d’épouvante et de fuite que sonnait ce malfaisant vieillard à l’heure même où la