Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/187

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qu’on renonçait ainsi à lutter avec les écoles congréganistes qui étaient gratuites. On était aussi forcé de confesser qu’on manquait à l’engagement inscrit dans l’article 13. Mais on se tirait d’embarras par un artifice d’interprétation. On feignait de croire que la gratuité promise par l’État n’était seulement aux indigents et l’on trouvait que c’était une charge assez lourde, puisque sur 5,500,000 enfants 1,500,000 devaient en bénéficier à ce titre.

L’obligation quoique attaquée au nom de la liberté des pères de famille, était maintenue quand même comme un mal nécessaire. Dans le programme, « à l’unanimité et sans discussion », la Commission avait rétabli l’instruction religieuse. L’instruction civique avait paru dangereuse ; mais encore valait-il mieux la mettre sous la surveillance de l’État que de la laisser se faire à l’aventure, « au nom de ces doctrines désorganisatrices qui sont d’autant plus redoutables qu’elles se cachent. » A l’enseignement élémentaire de l’hygiène et de la gymnastique on espérait pouvoir joindre des exercices militaires, comme en Suisse. Une certaine défiance perçait à l’égard des instituteurs dont la nomination était remise aux comités locaux et qui cessaient ainsi d’être des fonctionnaires d’État. On les invitait à n’avoir point d’ambitions politiques, à répudier « ces doctrines perverses qui peuvent compromettre et détruire la société », à se régler sur la loi nationale comme sur une « sorte de consigne », et, pour plus de sûreté, on leur imposait lors de leur installation un serment. On prévoyait cependant pour eux des cours de perfectionnement et des conférences régulières où ils s’occuperaient en commun des questions intéressant leur profession. Le projet, visant à être un Code complet pour l’enseignement primaire, y distinguait trois degrés : l’école maternelle de 2 à 7 ans ; l’école communale de 7 à 14 ; l’école primaire supérieure de 12 à 17. Mais il laissait subsister l’inégalité traditionnelle entre l’enseignement des filles et celui des garçons. La dépense devait être ainsi répartie : 15 millions aux communes, 7 aux départements, 5 seulement à l’État.

Certes, des concessions très graves avaient été faites aux catholiques ; le catéchisme, mis hors de l’école par Carnot — ce qui avait été la principale raison de sa chute — y rentrait triomphalement ; les ministres des cultes retrouvaient une place obligatoire dans les Comités de surveillance et dans les Commissions d’examens ; la publicité de ces examens était restreinte pour les aspirantes religieuses. Mais on avait légèrement renforcé les garanties proposées par Carnot à l’égard des instituteurs privés, et pour l’ouverture d’une école libre on exigeait une triple déclaration dont les délais laisseraient à toute opposition la faculté de se produire. Le parti catholique trouva les concessions qu’on lui faisait insuffisantes et les précautions qu’on prenait contre lui excessives. Aussi, dès son arrivée au pouvoir, Falloux s’empressa-t-il de retirer ce grand projet patiemment élaboré (4 Janvier 1849), et, sans se soucier des travaux de la Commission parlementaire, de nommer lui-même