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tendance à disperser dans les campagnes les fabriques agglomérées dans les villes et aussi avec le souvenir persistant de la peur provoquée par les revendications ouvrières et, en conséquence, avec l’idée qu’après tout il y avait à la fois de ce côté des précautions à prendre et des changements à opérer. Blanqui l’ainé avait joint un programme de réformes à son rapport académique et l’habileté de l’Élysée fut de pratiquer cette politique double à l’égard de la question sociale.



LA CIRCULATION


CHAPITRE VIII


LE CRÉDIT ET LE COMMERCE


Ce n’est pas tout de produire ; il faut écouler, échanger ses produits. La circulation de l’argent, des marchandises, des correspondances et des êtres humains a, dans toutes les sociétés modernes, une importance immense. Nous rencontrons donc devant nous une série de questions relatives au commerce : crédit, douanes, routes, canaux, chemins de fer, etc.


Le commerce de détail et les Sociétés coopératives de consommation. — Le commerce est toujours frappé par une révolution. Sans doute celui qui se fait au comptant et au détail, qui porte sur les objets de première nécessité, ne saurait s’interrompre. Il faut bien manger, se vêtir, se chauffer. Il souffre toutefois, parce que la consommation se resserre. Mais ce petit commerce, en 1848, voit poindre à peine les deux puissances ennemies entre lesquelles il va être pris comme entre l’enclume et le marteau : les grands magasins et les Sociétés coopératives de consommation. Les premiers, ces grands bazars capitalistes où la multiplicité des rayons abaisse les frais généraux et grossit le chiffre des affaires, ne font encore qu’apparaître et les entrepôts, où les producteurs peuvent déposer leurs produits pour obtenir des prêts sur ce gage, ne sont une concurrence redoutable que pour les négociants en demi-gros.

Quant aux Sociétés ouvrières de vente et d’achat en commun, elles sont encore peu nombreuses. L’idée s’en trouve chez les Fouriéristes, comme chez Louis Blanc et chez Proudhon. Un projet pour a « l’approvisionnement des classes nécessiteuses », projet qui consiste à établir dans chaque commune, avec l’aide des caisses publiques, un Comité qui achètera en gros et revendra au comptant et au prix de revient toute espèce de denrées, est repoussé par la Constituante comme entaché de socialisme, comme ruineux pour les petits commerçants, comme ne pouvant donner que d’insignifiants résultats (19 Juillet 1848). Cependant Lyon a, dès 1835, des épiceries coopératives. Elles durent et se multiplient sous la Seconde République. La Société