Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/374

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essaya bien de le reprendre à la fin de la Constituante, en Mai 1849 ; sa proposition n’eut pas même l’honneur d’être discutée.

La politique de la République en matière de chemin de fer demeura jusqu’à la fin tâtonnante. Les lignes continuaient à se construire ; en quatre ans le nombre des kilomètres exploités fut doublé. Il y eut, après l’arrêt bien compréhensible qui marqua l’année 1848, une augmentation continue dans le nombre des voyageurs, la quantité des marchandises transportées, le montant des recettes.

Chemins de Fer
ANNÉES MARCHANDISES VOYAGEURS KILOMÈTRES LOCOMOTIVES RECETTES BRUTES RECETTES NETTES
milliers de tonnes millions en millions
1847 3.597 12,7 1.880 646 65,2 33,8
1848 2.921 11,9 2.222 729 61,18 26
1849 3.419 14,8 2.861 875 75,1 36
1850 4.271 18,7 3.013 973 95,6 50
1851 4.627 19,9 3.558 1.006 106,2 58

Il fallut néanmoins venir au secours de plusieurs Compagnies. Il fallut même que l’État en rachetât et en exploitât provisoirement plusieurs. La Compagnie de Paris-Lyon demanda et obtint son rachat (17 Août 1848). L’État fut encore autorisé à racheter la ligne Paris-Versailles, rive gauche, et à exploiter le tronçon de Versailles à Chartres (21 Avril 1849). Même décision avait été prise déjà pour la ligne de Bordeaux à la Teste (17 Novembre 1848). Mais inutile de prolonger la liste de ces mesures de détail. Il ne s’agissait plus de rendre à la nation la libre disposition de ses moyens de transport, mais d’aider les Compagnies à exploiter leur monopole. Une loi du 8 Juillet 1851 concédait encore à l’industrie privée les paquebots-postes de la Méditerranée. Le capital avait gagné sa cause. Il était décidé que les chemins de fer s’exploiteraient au profit de la classe dirigeante. L’aristocratie financière en restait maîtresse par l’intermédiaire des Compagnies, dont Berryer prononçait l’éloge. On accordait déjà la garantie d’intérêt à l’une d’entre elles (19 Novembre 1849) et le ministre laissait entendre que les concessions pourraient être prolongées. En effet, au lendemain de Décembre 1851, un des premiers actes du nouveau gouvernement devait être de leur faire, au nom de l’État, un magnifique cadeau, en portant à 99 ans toutes les concessions accordées et en leur garantissant l’intérêt du capital engagé.

La conception démocratique, en ce domaine comme en presque tous les autres, était pour longtemps vaincue par la conception ploutocratique.