Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/104

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Somme ; il devait être condamné à mort et guillotiné à Amiens le 24 vendémiaire an IV (16 octobre 1795). Enfin avait été également votée, le 5 prairial (24 mai), une loi rapportant celle du 12 germinal (1er avril) qui ordonnait la déportation sans jugement de Barère, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et Vadier, les décrétant d’accusation et prescrivant de les traduire devant le tribunal criminel de la Charente-Inférieure (voir fin du chap. x) ; l’article 4 de cette même loi portait que Pache, son gendre Audouin, Bouchotte, Hassenfratz et quatre autres seraient traduits devant le tribunal criminel d’Eure-et-Loir. Il avait été antérieurement décidé que les trois condamnés à la déportation qu’on avait pu saisir, seraient expédiés à Cayenne chacun sur un navire différent. Le 7 prairial (26 mai), cette décision fut exécutée pour Billaud-Varenne et Collot d’Herbois, le courrier envoyé de Paris afin de donner contre-ordre n’étant arrivé que le lendemain ; mais Barère était encore à l’île d’Oléron parce que, déclara Auguis dans la séance du 14 (2 juin), « le bâtiment qui devait l’emmener n’était pas encore prêt ». Aussi, au lieu d’être embarqué, fut-il transféré, à la fin de prairial (début de juin), dans la prison de Saintes d’où il devait s’évader le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), suivant ce qui fut dit à la séance du Conseil des Cinq-Cents du 13 brumaire (4 novembre), et il ne devait pas être repris.

Pour se venger de l’intervention des femmes, deux décrets furent rendus le 4 prairial (23 mai), le premier interdisant aux femmes d’assister aux assemblées politiques, le second leur enjoignant de rester chez elles et ordonnant l’arrestation de celles qui seraient trouvées « attroupées au-dessus du nombre de cinq ».

Bourbotte, Du Roy, Duquesnoy, Romme, Soubrany, Goujon avaient été, dans la nuit même du 1er au 2 prairial, dirigés sur le fort du Taureau, près de Morlaix ; ils y arrivaient le 10 (29 mai) et, quatre jours après, ils en repartaient conduits à Paris où ils étaient de retour le 22 (10 juin), la Convention ayant décidé, le 8 (27 mai), de les déférer à la commission militaire instituée par elle dès le 4 (23 mai), ainsi que Prieur (de la Marne) et Albitte aîné, qui avaient réussi à s’enfuir, Rühl, qui devait se suicider le 10 (29 mai), Peyssard et Forestier dont l’arrestation n’avait pas été opérée tout de suite. La mère de Goujon avait inutilement protesté contre cette décision, disant : « Qu’est-ce qu’une commission militaire ? Un tribunal arbitraire, redoutable même à l’innocence, sans instruction, sans formes, sans jurés, sans défenseur, enfin sans aucune des garanties protectrices que la loi accorde ordinairement aux accusés » (Archives nationales, ADr 111). Le 24 prairial (12 juin), le procès des huit représentants commençait devant un auditoire de femmes à la mode et de muscadins insultant lâchement les accusés (Claretie, Les Derniers Montagnards, p. 302) et le 29 (17 juin, à l’exception de Peyssard, condamné à la déportation, et de Forestier, contre lequel, déclarait-on, l’accusation n’était pas prouvée, mais qu’on gardait en prison pour faits antérieurs, ils étaient