Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/131

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cieuse manœuvre de l’Alceste pour le sauver. Sur l’état comparatif de notre marine avant et après le 9 thermidor, voici ce que constate M. Lévy-Schneider (Le Conventionnel Jeanbon Saint-André, p. 1076), d’après un mémoire fait, le 14 fructidor an III (31 août 1795), par un ennemi des Montagnards, le contre-amiral Truguet, pour le représentant Defermon : « Au 1er floréal de l’an II… la France possédait 88 vaisseaux de ligne dont 54 en activité ou radoub, 34 en construction et 128 frégates, dont 68 en activité, armement ou radoub et 60 en construction, plus 295 corvettes et petits bâtiments. Or Truguet convient qu’au 1er fructidor an III, il reste 50 vaisseaux, 19 vaisseaux rasés sont en construction, il y a 64 frégates en activité, 27 en construction, et 292 corvettes et petits bâtiments. Ainsi, loin d’augmenter, nos forces navales ont diminué, les constructions surtout se sont notablement ralenties. Sur les 50 vaisseaux, 32 seulement sont en activité dont 16 appartiennent au port de Toulon ». Dans ces conditions qui rendaient la lutte de plus en plus difficile, la Convention résolut de substituer la guerre de course à la guerre d’escadre et, le 23 thermidor an III (10 août 1795), permit « à tous citoyens français d’armer en course pour courir sur les bâtiments ennemis ». Dans ce même but, le port de Toulon reçut, en fructidor (septembre), l’ordre d’armer deux divisions. L’une, commandée par le contre-amiral Richery, venait de franchir le détroit de Gibraltar, lorsqu’elle aperçut un convoi de 31 navires escorté par trois vaisseaux de guerre anglais dont l’un était l’ancien vaisseau français le Censeur ; celui-ci fut pris ainsi que 30 navires du convoi et, le 21 vendémiaire an IV (13 octobre 1795), Richery entrait avec ses prises à Cadix. L’autre, sous les ordres du capitaine de vaisseau Ganteaume, se dirigea, le 18 (10 octobre), vers l’Archipel et, après avoir dégagé la petite division bloquée à Smyrne, rentra à Toulon. En fructidor (septembre), dans l’Océan, à la hauteur du cap Finisterre, la division du capitaine de vaisseau Moultson capturait un riche convoi de 18 bâtiments allant en Angleterre et regagnait Rochefort.

En messidor an III (juillet 1795), les Anglais avaient pris possession des îlots Saint-Marcouf d’où ils communiquaient avec les royalistes et entravaient les relations entre Le Havre et Cherbourg. Aux Antilles, ils étaient obligés le 1er messidor an III (19 juin 1795), d’évacuer Sainte-Lucie qu’ils devaient reprendre en floréal an IV (avril 1796) ; de même, ils perdaient en prairial an III (juin 1795) et reprenaient en prairial an IV (juin 1796) la Grenade et Saint-Vincent dont les indigènes, par haine de l’Angleterre, étaient devenus les alliés de la France. À Saint-Domingue, où les avaient appelés les grands propriétaires furieux de l’émancipation des nègres, ils reculaient devant ceux-ci que commandait Toussaint Louverture devenu, 21 floréal an II (10 mai 1794), à la suite de la reconnaissance sans réserves de l’affranchissement des noirs par la loi du 16 pluviôse an II (4 février 1794), l’allié des républicains français et de leur chef Laveaux, gouverneur général par intérim ; le 16 thermidor