Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/243

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réclamations trop fondées, car ils étaient, tout au moins pour la plupart, les complices des spéculateurs contre le public ; le Directoire ayant, par son arrêté du 19 pluviôse an IV (8 février 1796) qui ne maintenait la distribution de pain que pour les indigents, décidé que le pain serait taxé, les boulangers s’indignèrent de cette intervention de l’autorité ; or, en fructidor an II et vendémiaire an III (septembre et octobre 1794) — nous l’avons vu (fin du chapitre iii) — ils avaient trouvé excellente l’intervention de la police contre leurs ouvriers.

Une autre profession fut taxée : par arrêté du 7 brumaire an V (28 octobre 1796), le « bureau central du canton de Paris » déterminait le prix des fiacres stationnant sur la voie publique ; pendant le jour, la course était fixée à 30 sous, l’heure à 35 sous pour la première et à 30 sous pour les suivantes (Ibidem, t. III, p. 571) ; l’administration centrale du département de la Seine rejeta les plaintes des loueurs et, le 23 pluviôse an V-11 février 1797 (Ibidem, p. 745), confirma cet arrêté.

Dans leur égoïsme que la perspective du moindre gain immédiat, si inique qu’il puisse être pour d’autres, rend trop fréquemment imprévoyant à leur propre point de vue, les commerçants, sous couleur de ne penser qu’à leur caisse et de ne pas faire de politique, étaient, d’une façon générale, disposés à tout sacrifier à la cupidité la plus aveugle ; on lit dans le rapport du 13 vendémiaire an VI (4 octobre 1797) : « Le commerce se plaint et, dans cette classe très nombreuse, on ne s’occupe des affaires publiques qu’autant qu’elles peuvent influer sur les spéculations » (Ibidem, t. IV, p. 370). Ce n’étaient pas seulement les questions gouvernementales qui laissaient les commerçants indifférents, c’étaient aussi des questions de nature à les toucher spécialement : le tableau de la situation du département de la Seine, à la fin de l’an VI (août-septembre 1798), présenté au ministre de l’Intérieur, signale « l’insouciance qui a eu lieu pour la nomination des juges du tribunal de commerce. Les assemblées primaires pour le choix des électeurs qui devaient concourir à cette nomination, se sont formées très difficilement » (Ibidem, t. V, p. 101)- L’inertie d’aujourd’hui en cette matière date, on le voit, de loin. Le tribunal de commerce de Paris siégeait alors cloître Saint-Merri derrière cette église, dans l’ancienne salle des juges-consuls, dont le nom d’une rue conserve aujourd’hui le souvenir. En vertu de la loi du 21 vendémiaire an III (12 octobre 1794), les faillis non complètement libérés ne pouvaient « exercer aucune fonction publique ».

§ 8. — Industrie.

C’est à la fin du dix-huitième siècle qu’a commencé la transformation de l’outillage industriel tendant à substituer d’une manière générale le travail mécanique au travail manuel. Mais il ne faut pas confondre l’invention d’une machine avec sa mise en pratique ; d’une part, la cherté du nouvel appareil