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Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/270

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pour le coton, calcule aussi par journée de douze heures ; le Dictionnaire universel de commerce, édité par Buisson en 1805, parlant du procédé de fabrication de l’acier dans les forges de la Nièvre, prévoit encore un travail de douze heures (t. Ier, p. 33). D’autre part, le numéro de prairial an XII (mai 1804) du Bulletin de la Société d’encouragement, à propos de l’assortiment de machines de Douglas pour la laine, table sur dix heures. On trouve, en revanche, dans le « rapport fait par ordre du comité de salut public sur les fabriques et le commerce de Lyon », par Vandermonde, le 15 brumaire an III (5 novembre 1794), cette phrase : « sans les besoins factices, on ne travaillerait pas volontairement seize heures sur vingt-quatre » (Journal des arts et manufactures, t. Ier, p. 4) ; ou cette réflexion n’a pas de sens, ou elle témoigne que certains ouvriers travaillaient seize heures par jour. Le directeur de la fabrique d’assignats, dans une lettre du 15 messidor an III-3 juillet 1795 (Stourm, Les finances de l’ancien régime et de la Révolution, t. II, p. 307) au comité des finances, disait que ses employés étaient « à l’ouvrage depuis 6 heures du matin jusqu’à 8 heures du soir » ; mais c’était là un travail d’une urgence spéciale. En l’an IV (1796), l’arrêté que j’ai rapporté relatif aux ouvriers des papeteries semble admettre une journée de travail assez longue.

La même année, il ne faut pas oublier la pétition d’entrepreneurs signalant l’esprit d’indépendance des ouvriers, qui n’est guère compatible avec ces longues journées acceptées « volontairement », il ne faut pas non plus oublier les plaintes de Chaptal, pétition et plaintes résumées plus haut, ni ce mot à la fin de l’an VI (septembre 1798) de Dufort de Cheverny (Mémoires…, t. II, p. 386) : « le peuple fait la loi pour son travail ». Et si, à la fin de ventôse an II (mars 1794), un rapport de police parlait de « la tyrannie des ouvriers » (Histoire socialiste, t. IV, p. 1778), il en était encore ainsi d’après le rapport du 1er messidor an XI (20 juin 1803), que j’ai cité au début de ce paragraphe, et qui signalait (revue la Révolution française, n° du 14 juillet 1903, p. 68) leur « vexatoire influence » et « la dure dépendance » des fabricants à leur égard due notamment à « l’esprit de licence qui a prévalu depuis quatorze ans dans la société en général ».

S’occupant de Paris, le Journal d’économie publique de Rœderer disait dans son numéro du 30 nivôse an V (19 janvier 1797) : « la classe ouvrière s’est remise à l’ouvrage à peu près comme du passé. Elle travaille un peu moins peut-être ; mais tout ce qui la compose travaille également » (t. II, p. 278). On lit dans un rapport de Regnaud (de Saint-Jean d’Angely) : « La saison des beaux jours rendait au travail ce que les longues nuits de l’hiver avaient prêté au repos. Aujourd’hui ce n’est plus aussi utilement pour le travail que le soleil est plus longtemps à l’horizon » (Moniteur du 13 germinal an XI-3 avril 1803).

Voici, concordant avec les deux dernières citations, des faits qui montrent les ouvriers parisiens se préoccupant de la limitation de la journée de