Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/31

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la Commune robespierriste, non élue celle-là, n’étant populaire ni par son origine, ni par ses actes ; loin de les soutenir, avaient, au contraire, résolument marché contre elle et contre Robespierre les sections restées attachées à la Commune de 93, à la mémoire de Chaumette. Il faut ajouter que, pour achever Robespierre dans l’esprit public, on recourut, en outre, à l’arme dont ses amis et lui s’étaient si souvent servi contre les autres, à la calomnie, aux odieuses et ineptes accusations de royalisme et de connivence avec l’étranger.

La chute de Robespierre fut un soulagement pour la majorité de la population. La masse ouvrière de Paris que venait encore de mécontenter un arrêté du conseil général de la Commune du 21 messidor an II (9 juillet 1794), publié le 5 thermidor (23 juillet), déterminant pour presque toutes les professions le maximum des salaires sans tenir suffisamment compte de celui des objets de première nécessité, et que réjouit une proclamation du comité de salut public du 13 (31 juillet) reconnaissant le bien fondé des réclamations et promettant — promesse qui, d’ailleurs, ne devait pas être tenue — une prochaine rectification « afin que le prix de la journée de travail puisse être proportionné à celui des subsistances » (Biollay, Les prix en 1790, p. 2 et 3 et Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, t. Ier, p. 11), crut un instant qu’une ère démocratique allait s’ouvrir ; Babeuf partagea cette illusion. Dans d’autres milieux, pour des raisons moins pures, la joie indécente qui avait éclaté le 10 thermidor (28 juillet) sur le passage de Robespierre allant à l’échafaud, ne fit que s’accroître, le monde des agioteurs exulta. Ce n’est toutefois pas dans le flot d’adresses félicitant la Convention, qu’on trouverait l’expression spontanée de ces sentiments ; car la comparaison faite par M. G. Monod (Revue historique, t. XXXIII, p. 121), des adresses de la municipalité de Concarneau et de l’armée de la Moselle, dont l’étrange similitude ne saurait être fortuite, permet de supposer qu’elles ne furent que la copie de modèles de commande.

L’action royaliste était nulle à Paris à cette époque, et, si les 11 et 12 thermidor (29 et 30 juillet) virent tomber 82 têtes de robespierristes plus ou moins actifs, si quelques royalistes sortirent en même temps que de nombreux républicains tels que Hoche, relâché le 17 thermidor (4 août), des prisons où on jetait les amis de Robespierre, il n’est pas contestable que, ni dans l’intention des acteurs de ce drame, ni dans la pensée de ceux qui en virent le dénoûment avec une impression de délivrance. Thermidor ne constituait le début d’une réaction. Constatons cependant que des hommes comme Pache et Bouchotte ne furent pas relâchés.

Les modifications apportées aux divers rouages du gouvernement révolutionnaire, successivement créés pour subvenir aux nécessités de la défense nationale, ne furent d’abord inspirées que par le désir de détruire les abus dont la Convention venait de souffrir, sans le moindre parti pris de changer