Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/32

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profondément ce qui était. Contre la toute-puissance du comité de salut public on imagina, dès le 11 thermidor (29 juillet), le renouvellement par quart chaque mois, avec l’inéligibilité pendant un mois des membres sortants ; mais ce comité était maintenu. On abrogea, le 14 thermidor (1er août), la loi du 22 prairial (10 juin) et on prit le 23 (10 août) diverses mesures relatives au tribunal révolutionnaire rendu moins défavorable aux accusés ; mais on conserva un tribunal consacré au jugement des affaires politiques et les jugeant sans appel. Le club des Jacobins fermé le 10 thermidor (28 juillet), put se rouvrir le lendemain ; il en fut quitte en se livrant à une nouvelle manifestation de la manie jacobine de l’épuration : il s’épura cette fois au détriment des robespierristes, après s’être si souvent épuré à leur profit ; mais il resta républicain, sans que ses flottements entamassent en rien sa prétention à la rigidité des principes qui consistait déjà à être surtout sévère pour les autres. Le personnel des administrations, au lieu d’être composé de robespierristes, le fut de thermidoriens ; le nombre des comités révolutionnaires fut restreint, mais on en maintint un par district (7 fructidor-24 août) ; on limita la durée des missions (26 thermidor-13 août), les représentants en mission furent changés, mais le système des missions subsista. À la Commune de Robespierre succédèrent deux commissions, l’une « de police administrative » et l’autre « des contributions publiques » (14 fructidor-31 août), et celles-ci, comme celle-là, furent nommées et non élues : on imitait dans sa défiance de la grande ville celui qu’on traitait de tyran ; dès le 9 thermidor (27 juillet), neuf citoyens avaient été désignés par les comités de salut public et de sûreté générale pour exercer provisoirement « les fonctions administratives de police » et, le 27 thermidor (14 août), on leur avait adjoint huit autres citoyens, parmi lesquels Bodson (Révolution française, revue, t. XXXIII, p. 253 et suiv.), un thermidorien d’extrême-gauche qu’on ne garda là, d’ailleurs, que jusqu’au 14 fructidor (31 août) et que nous retrouverons plus loin. Quant à la garde nationale, le commandement général fut simplement fractionné (19 thermidor-6 août). En définitive, le gouvernement révolutionnaire dont le décret du 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793) avait consacré l’existence « provisoire » et qu’avait organisé celui du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), allait subsister.

Si la mort de Robespierre ne fut tout de suite, aux yeux des thermidoriens, que la fin de l’accaparement du pouvoir par un homme, et non le point de départ de corrections essentielles à apporter à ce pouvoir lui-même, il n’en fut pas ainsi pour la masse ouvrière parisienne dont je signalais tout à l’heure la satisfaction et l’espoir. Aussitôt après la mort de Robespierre, quelques sociétés populaires avaient été réorganisées. S’étaient notamment très vite retrouvés nombreux dans la grande salle d’un bâtiment de l’Archevêché, dite des électeurs, entre Notre-Dame et la Seine, — c’est là qu’on avait procédé aux élections en 89— « les vrais amis des Droits de l’Homme », selon l’expression