Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Babeuf (n° 7 de son journal), les patriotes antijacobins — on sait que, dans le langage de l’époque, les mots patriotes et démocrates étaient, synonymes ; encore en l’an VII, « pour un partisan du vieux régime, patriote est également synonyme ou d’anarchiste ou de terroriste » (Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, t. V, p. 490) — les amis de Chaumette, les membres et habitués de l’ancien club électoral, aussi ardents que par le passé, heureux d’abord, mécontents bientôt, lorsqu’ils virent rester en fonction les magistrats municipaux nommés le 10 thermidor (28 juillet) par le comité de sûreté générale.

Cette société populaire, dite « électorale » à cause du nom habituel de la salle qu’elle occupait, et aux séances de laquelle Babeuf assistait assez souvent, présenta à la Convention, le 20 fructidor (6 septembre), une pétition réclamant en premier lieu « la garantie la plus illimitée des opinions et de la liberté de la presse », en second lieu « que le peuple rentre dans la plénitude de ses droits en nommant immédiatement ses fonctionnaires ». Le président de la Convention, Bernard (de Saintes), — je mentionne ici une fois pour toutes que, d’une façon générale, pour les discours parlementaires, j’ai suivi le texte du Moniteur — répondit que la Déclaration des Droits de l’Homme avait réglé le premier point et que « le gouvernement révolutionnaire, établi pour le bonheur public », ne pouvait admettre le second. La Convention, à l’unanimité, passa à l’ordre du jour ; puis, sur la proposition de Billaud-Varenne disant : « Le club électoral a été toujours un foyer de contre-révolution, il prit part à la conspiration d’Hébert », elle décréta le renvoi de la pétition au comité de sûreté générale, « afin d’en examiner les motifs », ce qui était déjà une menace.

Habitant la section du Muséum (quartier du Louvre), Babeuf avait, dès le 30 thermidor (17 août), décidé cette section à voter une résolution revendiquant pour le peuple le droit à élire les autorités et protestant contre les autorités constituées non élues. Dans une adresse explicative, cette section demandait aux 47 autres de s’unir à elle pour aller dire à la Convention que la cause de tous les maux « était le mépris des droits du peuple,… que la révolution du 9 au 10 thermidor ferait toujours trembler ceux qui, au mépris des principes, oseraient proposer des lois immorales ou sanguinaires, ceux qui oseraient usurper sur le peuple le droit des élections, ceux qui oseraient accepter des fonctions publiques dont l’élection appartient exclusivement au peuple », et pour réclamer l’application de ces principes (n° 18 du journal de Babeuf).

Par suite des manœuvres des Jacobins, ce projet de pétition examiné seulement le 10 fructidor (27 août) dans les sections, fut repoussé par la plupart d’entre elles ; une quinzaine adhérèrent. Dès le 11 (28 août), plusieurs de celles qui avaient rejeté ce projet, venaient le dénoncer à la barre de la Convention. Enfin, le 19 (5 septembre) — la veille même du jour où « la société populaire