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séante dans la salle du corps électoral » présentait sa pétition à la Convention — celle-ci avait reçu une pétition de la « société populaire » de Dijon demandant la continuation de la Terreur et la limitation de la liberté de la presse. Cette pétition avait été renvoyée au comité de législation, tandis que l’autre le fut — j’ai indiqué dans quelles conditions — au comité de sûreté générale.

La Convention que les derniers mois avaient accoutumée au silence du peuple, fut effarouchée par sa résurrection, par des revendications dont elle avait perdu l’habitude. Il y avait désaccord évident entre le sentiment qui l’avait fait agir et le sentiment populaire né de son action. Là où elle n’avait cherché que son salut, que son affranchissement propre, on comptait trouver le salut et l’affranchissement de tous. Son salut assuré, elle fut surprise qu’on lui demandât des changements qui n’étaient dans sa pensée ni pour retourner en arrière, ni pour marcher de l’avant. Ce qui fut modifié, ce ne fut pas le pouvoir excessif dont le Paris patriote se plaignait, ce fut la forme d’exercice de ce pouvoir conservé intact ; « modifications presque nulles pour le peuple » devait écrire Babeuf le 6 vendémiaire an III (27 septembre 1795), dans le n° 18 de son journal. Le décret du 7 fructidor (24 août) réglementa les attributions des comités ramenés de 21 à 16 : au comité de salut public, la direction de la diplomatie et des opérations militaires et navales ; au comité de sûreté générale, avec la haute main sur la police, le pouvoir de décerner les mandats d’arrêt et de traduire devant le tribunal révolutionnaire ; au comité de législation, la surveillance des affaires administratives civiles et des tribunaux ; aux autres comités, comité des finances, comité de l’instruction publique, etc., la surveillance immédiate de la partie que leur titre indiquait et, en ce qui touchait à cette partie, des diverses autorités, y compris les douze « commissions exécutives » par lesquelles le décret du 12 germinal an II (1er avril 1794) avait remplacé les ministères. L’unité ne devait être obtenue ni par la réunion des deux comités de salut public et de sûreté générale dits comités de gouvernement, ni par la prépondérance du comité de salut public seul, mais par l’action directe de la Convention qui entendait avoir désormais le pouvoir nominal et le pouvoir effectif.

Depuis le 9 thermidor, la Convention avait l’idée très nette d’échapper à la domination d’un homme ou d’un comité ; en revanche, elle ne savait trop ce qu’elle devait faire de ce pouvoir qu’elle était si jalouse de garder, et elle montra la plus déconcertante indécision. Le 11 thermidor (29 juillet), sur la proposition de Barère, elle maintient Fouquier-Tinville comme accusateur public, le 14 (1er août) elle vote son arrestation. Le 15 (2 août), elle décrète que les ministres de tout culte et les ci-devant nobles seraient exclus de toutes les fonctions publiques ; le lendemain, elle rapporte ce décret. Après avoir toléré la sortie de prison de certains royalistes, elle s’émeut de leur sortie et décide, le 23 thermidor (10 août), sur la proposition de Granet, qu’on