Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/35

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imprimerait les noms des prisonniers élargis et ceux des personnes qui auraient attesté leur patriotisme ; le lendemain, elle est unanime à approuver Barère s’écriant : « Déclarons tous que nous voulons le gouvernement révolutionnaire », et, le 26 (13 août), sur la demande de remettre en prison ceux qui auraient été relâchés sans répondants avoués, elle ne vote que l’annulation de sa décision du 23 (10 août). Le 2 fructidor (19 août), le Conventionnel Louchet qui, le 9 thermidor, avait provoqué le décret d’accusation contre Robespierre, propose de réintégrer immédiatement en prison les aristocrates libérés et sa proposition est renvoyée au comité de salut public ; le 18 (4 septembre), la Convention charge le même comité d’étudier la suspension de la loi du 27 germinal an II (16 avril 1794), dirigée contre les nobles.

D’autre part, le 12 fructidor (29 août), Laurent Le Cointre dénonce comme complices de Robespierre dans l’œuvre de la Terreur, d’anciens membres des comités de gouvernement : Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Vadier, Amar, Voulland et David ; c’était entamer le procès de l’assemblée entière qui avait ratifié les résolutions des comités. On le comprit. « C’est la Convention qu’on accuse », dit Goujon ; Cambon qui ne saurait être suspect de sympathie ni pour Robespierre, ni pour les Jacobins, constate à son tour que « si l’on pouvait faire les reproches qu’on adresse à quelques-uns, ils s’appliqueraient à tous », et Thuriot fait voter que « la Convention rejette avec la plus profonde indignation la dénonciation de Le Cointre et passe à l’ordre du jour ». Le lendemain, sur l’initiative d’amis des accusés, et malgré une intervention hypocrite de Tallien dont, aux yeux de beaucoup, Le Cointre n’avait été que l’aveugle instrument, celui-ci dut lire les pièces par lui annoncées à l’appui de ses inculpations et, à l’unanimité, sur la proposition de Chambon, la Convention « convaincue de la fausseté de l’accusation, la déclare calomnieuse ».

Tandis que, d’une part, cet incident rapprochait les Jacobins et ceux qui avaient été dénoncés, ou qui pouvaient l’être sous le même prétexte et qui comprenaient le péril, la Convention, d’autre part, avait trouvé dans les Jacobins un appui contre les revendications des sections et sociétés populaires. On a déjà vu qu’ils avaient fait échouer le projet de pétition de la section du Muséum ; le 22 fructidor (8 septembre), la section Mucius Scævola (quartier du Luxembourg) venait manifester à la barre de la Convention ses « justes inquiétudes sur le club dit électoral ». Aussitôt Roger Ducos demanda que le club ne pût plus tenir ses séances dans une salle du « ci-devant Archevêché » et sa proposition fut adoptée.

Le 23 fructidor (9 septembre), les Jacobins décidaient qu’une adresse serait portée à la Convention pour dénoncer les menées réactionnaires et solliciter des mesures énergiques ; Carrier, Royer et Billaud-Varenne étaient chargés de la rédiger. Le lendemain, Merlin (de Thionville) s’appuyait sur cette décision pour attaquer violemment, mais sans succès, les Jacobins dont,