Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/399

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lorsque la réquisition le lui enleva pour l’expédier à l’armée de Sambre-et-Meuse. Âgé de 76 ans, le père pria La Tour d’Auvergne de solliciter le retour de son fils. C’est alors que l’ancien capitaine — il était dans sa 54e année — écrivit, le 10 germinal an V (30 mars 1797), au ministre de la guerre pour lui demander d’être autorisé à remplacer le jeune homme, ce qu’il finit par obtenir.

Les préliminaires de Leoben, où Bonaparte paraissait plus soucieux de l’Italie que de la limite du Rhin, ne correspondaient pas aux vues du Directoire ; mais il semble que l’opinion publique, surtout désireuse de la paix, fut satisfaite dans son ensemble. C’est ce qui ressort de rapports du 13 et du 14 floréal an V (2 et 3 mai 1797) ; d’après le premier, les conditions des préliminaires sont « universellement goûtées, exception faite de quelques contradicteurs qui les trouvent trop modérées, et qui sont surtout mécontents de voir que les limites de la République française n’aient pas été stipulées, surtout le cours inférieur du Rhin » (recueil d’Aulard, t. IV, p. 91) ; d’après le second, « quelques personnes trouvent mauvais qu’étant victorieux on ne garde pas ce que l’on a conquis jusqu’au Rhin, mais le plus grand nombre est si satisfait d’avoir un ennemi de moins et de concevoir l’espérance d’une pacification générale, qu’il approuve beaucoup ces nouvelles conditions » (idem, p. 93). Sachant très bien qu’il ne contentait pas le Directoire, Bonaparte, en lui écrivant, le 30 germinal (19 avril), pour lui faire accepter les conditions arrêtées à Leoben, usa de son procédé habituel : il affecta de donner sa démission et de demander un congé sous prétexte de revenir en France ; il n’en continua pas moins à se conduire comme s’il n’avait pas démissionné, en homme qui comptait bien être invité à rester au poste qu’il tenait à conserver. Déjà, le 26 brumaire an V (16 novembre 1796), le Directoire qui, tout en étant irrité d’avoir à plier devant lui, n’osait cependant pas sévir contre son envahissante personnalité, avait essayé de garder la haute main sur les négociations en envoyant à cet effet en Italie le général Clarke. Le 9 frimaire (29 novembre), celui-ci était à Milan ; trois jours après, Bonaparte connaissait la mission qu’il venait remplir et n’en persistait que davantage à mettre le Directoire en face de faits accomplis.

Le ministre autrichien Thugut, qui comptait à cette époque sur le succès d’Allvinczi, refusa de recevoir Clarke à Vienne. L’envoyé français ne put négocier, comme il l’aurait voulu, avec le gouvernement impérial, le troc de la Belgique et de la rive gauche du Rhin contre une extension en Italie, dont le Directoire ne songeait alors à faire, suivant le mot de M. Albert Sorel (Bonaparte et Hoche, p. 5), qu’ « un marché à échanges diplomatiques, après en avoir fait un champ à réquisitions ». Il se borna à négocier avec le roi de Sardaigne, Victor-Amédée III était mort le 16 octobre 1796, et avait pour successeur son fils Charles-Emmanuel IV. Clarke, subissant l’influence de Bonaparte, signait à Bologne, le 7 ventôse an V (25 février 1797), un premier