Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/403

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furent tués et d’autres maltraités, et le gouvernement génois accentua son hostilité à l’égard de notre représentant. Averti, Bonaparte qui regrettait que le traité du 18 vendémiaire an V (9 octobre 1796) l’eût empêché d’employer la force contre Gênes, et qui n’attendait qu’une occasion de le faire, profita de ces circonstances ; il envoya, le 8 prairial (27 mai), son aide de camp, Lavallette, porteur d’une lettre offensante dont, le 10 (29 mai), cet officier donna lecture devant le doge qui, après avoir cherché à gagner du temps, se décidait, le 13 (1er juin), à négocier avec Bonaparte. Ses délégués arrivèrent le 16 (4 juin) à Mombello, où se trouvait ce dernier, et souscrivaient, le lendemain et le surlendemain, à une convention en vertu de laquelle la constitution aristocratique de Gênes était modifiée ; un gouvernement provisoire de vingt-deux membres désignés par Bonaparte entra en fonction le 26 (14 juin). Cette transformation se heurta bientôt à des résistances ; quelques jours avant la date fixée pour la ratification populaire de la constitution de la nouvelle République ligurienne (14 septembre), une révolte de paysans excités par les nobles et les prêtres éclata (18 fructidor-4 septembre). Le général Duphot l’écrasa sans pitié et, par ordre de Bonaparte, Lannes vint occuper Gênes militairement. Les meneurs, craignant pour leur pays le sort de Venise, acceptèrent la constitution dont Bonaparte leur envoya le plan, le 21 brumaire an VI (11 novembre 1797), dans une lettre d’une prétentieuse phraséologie (Correspondance de Napoléon Ier, t. III, p. 558-562) : la république ligurienne était dotée d’un directoire de cinq membres et de deux conseils : celui des Anciens, de 30 membres, et celui des Jeunes, de 60 ; cette constitution devait être soumise au vote du peuple qui, le 18 frimaire an VI (8 décembre 1797), la ratifia.

Après Leoben, Bonaparte s’était, en floréal (mai 1797), établi à Mombello, aux environs de Monza, dans un magnifique palais : domestiques en livrée, voitures de gala, aides de camp chamarrés, étiquette sévère, vie fastueuse, tout donnait l’impression d’une cour royale où Joséphine était venue trôner. Il avait déjà (chap. xiv) créé la petite République cispadane et il songeait à faire de la Lombardie une république autonome sous le nom de République transpadane. Les populations intéressées se prononcèrent avec tant de force pour l’union sous le nom de République italienne, qu’il ne s’opposa pas à la fusion des deux républiques ; mais, ne voulant pas trop inquiéter les souverains italiens, il appela la république unique « République cisalpine ». Sa proclamation du 11 messidor an V (29 juin 1797) consacra ce changement. Il organisa le nouvel État sur le modèle de la République française, le divisa en départements, mit à la tête un directoire exécutif et deux conseils ; seulement, pour la première fois, il se réserva la nomination de leurs membres, et, tout en détruisant l’ancien régime, s’attacha à gagner les classes qui en bénéficiaient le plus, la noblesse et le clergé. Le 21 messidor (9 juillet), fut célébrée en grande pompe l’inauguration de la République cisalpine que le