Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/56

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montra dans un mémoire très détaillé adressé le 4 nivôse an III (24 décembre 1794) au comité de salut public (Révolution française, revue, t. XLI, p. 490), toutes les difficultés d’un siège, en hiver, sans l’artillerie et les approvisionnements nécessaires, alors que la place était sous la garde de 20 000 Autrichiens appuyés par deux armées de plus de 150 000 hommes. N’ayant pas été écouté, il songea très sagement à garantir surtout ses troupes et, malgré les sorties de la garnison et les attaques dont la plus sérieuse avait été celle du 11 frimaire (1er décembre), il réussit à exécuter, sur la rive gauche du Rhin, une ligne de circonvallation. Dégoûté de l’obstination du comité de salut public et des représentants en mission à imposer aux troupes, pendant un hiver exceptionnellement rigoureux, des souffrances qui devaient être inutiles tant que les communications de la ville avec la rive droite subsisteraient, Kleber se décida, le 23 pluviôse (11 février), à quitter son commandement ; il fut remplacé par le général Schaal.

De même que pour l’armée du Rhin, la bataille de la Roer et le passage du Rhin par les troupes de Clerfayt eurent un heureux résultat pour l’armée de la Moselle, en obligeant les troupes qui surveillaient celle-ci à Trêves, à se replier. Le 16 vendémiaire (7 octobre), Moreaux quittait ses positions devant Trêves ; sa droite, sous les ordres du général Ambert, marcha par Birkenfeld, Oberstein et Kirn sur Kreuznach ; elle joignit, on vient de le voir, l’aile gauche de l’armée du Rhin le 20 (11 octobre) et occupa Kreuznach le 25 (16 octobre) ; le centre se dirigea sur Simmern et entra, le 29 (20 octobre), dans Bingen ; la gauche se porta par Trarbach, Kochem et Mayen sur Coblenz où, avec la division Marceau de l’armée de Sambre-et-Meuse, elle entra, le 2 brumaire (23 octobre). Le 12 (2 novembre), l’armée de la Moselle s’emparait de Rheinfels, près de Saint-Goar, au sud de Coblenz ; Maastricht, on se le rappelle, capitulait le 14 (4 novembre), de sorte qu’il ne restait plus aux armées de la coalition, sur la rive gauche du Rhin, que Mayence et Luxembourg, où tenaient les Autrichiens. Tandis que trois divisions de l’armée de la Moselle participaient au siège de Mayence, trois autres divisions de cette armée investissaient Luxembourg. Pendant ce blocus que l’hiver rendit très pénible, le général René Moreaux mourut le 21 pluviôse an III (9 février 1795). D’abord le général Ambert par intérim, puis le général Hatry, lui succédèrent à la tête de l’armée d’investissement.

Après la prise de Maastricht et de Nimègue, l’invasion de la Hollande était inévitable. Alors que Pichegru avait établi les troupes dans leurs cantonnements pour la mauvaise saison, le comité de salut public ordonnait une campagne d’hiver qui, malgré les souffrances du froid s’ajoutant au dénûment des troupes, n’en offrait pas moins des avantages par la gelée des cours d’eau dont la multiplicité sur un sol spongieux contribuait, dans les autres saisons, à rendre la guerre particulièrement difficile. Pichegru (Mémoires sur Carnot par son fils, t. Ier, p. 480-481) fit des objections ; quoiqu’il