Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/57

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fut très bien vu — trop bien vu — à Paris, les représentants l’obligèrent à obéir.

Le 22 frimaire (12 décembre) avait eu lieu une tentative infructueuse contre l’île de Bommel ; les fleuves charriaient, on attendit qu’ils fussent pris. Enfin la Meuse étant complètement gelée fut franchie le 7 nivôse (27 décembre) par 17 degrés au-dessous de zéro, et les Hollandais de Bommel mis en déroute se retirèrent à Gorkum. Le lendemain, Grave bloqué depuis quelque temps se rendait ; mais il fallut rester dans l’île de Bommel, la glace n’étant pas encore suffisamment solide sur le Waal. Les soldats républicains, plus enthousiastes que leur général en chef, « attendant, d’après Jomini (Histoire critique et militaire des campagnes de la Révolution, t. VI, p. 191), le froid avec autant d’impatience que d’autres troupes désirent la belle saison, soupiraient après le moment où la gelée serait assez forte ». Du 19 au 21 nivôse (8 au 10 janvier), ils pouvaient enfin commencer sérieusement à traverser le Waal ; l’armée anglaise, dont le duc d’York, parti le 2 décembre pour l’Angleterre, avait laissé le commandement au général Walmoden, reculait derrière le Rhin. Le 25 (14 janvier), Heusden, bien que sa garnison fût plus nombreuse que les assiégeants, capitulait. Les Anglais, qui étaient entre Wageningen et Arnhem, se portaient sur l’Ijssel d’Arnhem à Zutphen ; à leur suite, l’armée française entrait le 27 (16 janvier) à Wageningen, le 28 (17 janvier) à Utrecht et à Arnhem.

Abandonné par Walmoden, le stathouder Guillaume V se présentait le 17 janvier devant les États pour leur communiquer sa résolution de s’éloigner, puis allait s’embarquer à Scheveningen. Les États de Hollande décidaient aussitôt que les troupes hollandaises n’opposeraient aucune résistance et que des commissaires se rendraient immédiatement au quartier général de Pichegru ; le 1er pluviôse (20 janvier), les représentants en mission entraient, aux acclamations de la foule, dans Amsterdam occupé la veille. Voici ce que Jomini (t. VI, p. 214) dit de l’attitude des soldats à cette occasion : « L’histoire racontera avec quelle résignation de paisibles citoyens arrachés de leurs foyers, transformés en soldats par une loi, après avoir bivouaqué un mois entier dans le terrible hiver de 1794, sans bas, sans souliers, privés même des vêtements les plus indispensables et forcés de couvrir leur nudité avec quelques tresses de paille, franchirent les fleuves glacés et pénétrèrent enfin dans Amsterdam, sans commettre le moindre désordre ».

Le 1er pluviôse (20 janvier), on prenait possession de Dordrecht, le 2 (21 janvier), de Rotterdam, le 3 (22 janvier), de la Haye ; la province de Zélande devait se soumettre le 15 (3 février). Le 4 (23 janvier), se produisait un des plus étonnants incidents de cette extraordinaire campagne : la reddition d’une partie de la flotte hollandaise que la glace immobilisait dans le port du Heider, en face de l’Île de Texel, était obtenue par le 3e bataillon de tirailleurs de la 131e demi-brigade, les 700 cavaliers du 5e hussards et deux