Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/561

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tenus, il faut que le gouvernement en soit instruit par un message ; mais je crois qu’il est toujours extrêmement imprudent de venir apporter de pareilles dénonciations contre une réunion d’individus, quand on n’a pas de preuves écrites ; je n’aime pas qu’on les confonde sous la dénomination de buveurs de sang ». Et, dans sa brochure Mon examen de conscience sur le 18 brumaire, Savary a écrit (p. 19) : « Cette séance fit naître des soupçons sur l’existence d’un parti tout prêt à abjurer la Constitution, en criant que d’autres voulaient la détruire ». Une commission fut cependant chargée de vérifier les allégations de Courtois. Les Jacobins ripostèrent qu’on cherchait une diversion pour sauver les anciens directeurs et, pour le présent immédiat, ils avaient raison ; mais on cherchait aussi, et surtout, autre chose pour un avenir prochain, et Savary a vu juste. Comme la résolution relative à leur local ne devait être notifiée que le lendemain, les Jacobins siégèrent encore le soir au Manège, et un incident de cette séance prouva l’intérêt qu’avaient les modérés à ce qu’il y eût des exagérations de langage et d’action : un certain Lavalette ayant trop forcé la note et appelé les Jacobins à prendre les armes, sa violence parut suspecte aux plus farouches ; on l’empoigna, on le fouilla et on trouva sur lui la preuve qu’il avait été agent au service du ministre de la police Cochon ; « on assure, lit-on dans le Moniteur du 12 (30 juillet), que l’individu nommé Lavalette qui a été arrêté, le 8, au Manège, a joué un rôle à l’affaire de Grenelle » (chap. xiii).

À partir du 9 thermidor (27 juillet), la société se réunit rue du Bac, dans l’église d’un ancien couvent des jacobins qui s’étendait jusqu’à cette rue — aujourd’hui l’église Saint-Thomas d’Aquin — édifice national mis à sa disposition par l’administration municipale de ce qui était alors le Xe arrondissement. Mais la campagne menée par les modérés n’allait pas tarder à porter ses fruits ; les assistants devenaient moins nombreux, un membre s’en plaignit dans la séance du 15 (2 août). Un député des Cinq-Cents, Garrau, essaya, à la tribune du Conseil, le 11 thermidor (29 juillet), de réagir contre les attaques dont les Jacobins étaient devenus l’objet. « Ceux-là mêmes, dit-il, qui, dans leurs discours hypocritement humains, cherchent à épouvanter les esprits faibles… n’y croient pas… ; mais ils ont d’autres vues, un autre but. Ils parlent de 93, pour qu’on ne pense pas à 91. Ils parlent des excès de l’anarchie, pour qu’on oublie les fureurs de la réaction. Ils parlent d’une conspiration imaginaire, pour qu’on perde de vue celle qui existe réellement. Ils veulent surtout, en égarant l’opinion, en divisant les républicains, arracher à la vindicte nationale cette corporation de vampires qui, depuis cinq ans, profite des malheurs publics ». Cela n’empêcha pas, le 13 thermidor (31 juillet). Cornet, dans un rapport fait aux Anciens au nom de la commission établie le 8 (26 juillet), d’accuser les Jacobins de connivence avec les royalistes qui, nous le savons, s’agitaient alors beaucoup, et de conclure à l’envoi au Directoire d’un message réclamant des renseignements sur l’inexécution des