Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/65

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milieu du mois (août), les troupes républicaines refoulèrent divers rassemblements qui ne cessaient de tuer et de piller.

Dans la Vendée, après avoir manqué son coup le 16 fructidor (2 septembre), Charette réussissait, le 20 (6 septembre), à s’emparer par surprise du camp de la Roullière, à 8 kilomètres environ au sud de Nantes, où il massacrait les soldats ; le 28 (14 septembre), il enlevait le camp de Frérigné, hameau de la commune de Touvois (Loire-Inférieure), à 12 kilomètres à l’ouest de Legé, et s’y livrait à une horrible boucherie. Le colonel Mermet avait été mortellement blessé au fort de l’action et, raconte Jomini (t. VI, p. 235), « le fils de Mermet, âgé à peine de quatorze ans, attaché au corps de son père expirant, y fut haché en pièces et mourut en criant : Vive la République ! » Le 24 (10 septembre), une attaque contre le camp de Chiche (Deux-Sèvres), concertée entre Charette et Stofflet, avec mauvaise grâce de la part de celui-ci, avait été repoussée ; mais un détachement républicain fut anéanti. L’hiver se passa d’une façon assez calme, et la tentative contre le camp de Beaulieu (Vendée), qui échoua le 17 nivôse an III (6 janvier 1795), fut la dernière entreprise un peu sérieuse qu’eut à déjouer l’armée de l’Ouest. Ce qui préoccupait les gouvernants, ce n’était pas d’établir et de faire exécuter un plan d’opérations bien conçues, c’était d’arriver à tout prix à apaiser les chefs des rebelles.

Les insurgés — je rappelle qu’on désigne spécialement sous le nom de Vendéens ceux qui combattaient au sud de la Loire, et de Chouans ceux qui se tenaient au-dessus du fleuve — étaient dans une situation pénible ; une épidémie faisait des ravages dans leurs rangs ; ils ne pouvaient soigner ni leurs malades, ni leurs blessés ; leurs munitions étaient insuffisantes. Loin de s’entendre entre eux, les chefs étaient divisés au point qu’en décembre, à la suite d’une réunion tenue, le 6, au quartier général de l’armée du Centre, à Beaurepaire, près de Montaigu, un grave conflit éclata entre Charette et Sapinaud, d’un côté, Stofflet et le curé de Saint-Laud (église d’Angers), Bernier, de l’autre. Charette, qui ambitionnait d’être généralissime, ce que n’admettait pas Stofflet, avait sous ses ordres dans le Marais (Vendée), vieillards, enfants, malades compris, une dizaine de mille hommes ; c’était l’armée dite du Bas-Pays, du Bas-Poitou ou du pays de Retz ; Stofflet, environ la moitié sur les frontières de la Vendée, du Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres ; c’était l’armée du Haut-Pays ou du Haut-Poitou et d’Anjou ; entre les deux, Sapinaud était dans le Bocage (Vendée) avec trois mille hommes et formait l’armée du Centre. Sur la rive droite de la Loire, se maintenaient tant bien que mal une vingtaine de bandes. Au fond, la nécessité contraignait tout ce monde à vouloir une suspension des hostilités. Avec une impudence toute nationaliste, le clérical M. Sciout explique cette nécessité : « Les puissances étrangères n’avaient pas reconnu à temps l’importance de l’insurrection catholique et royaliste de l’Ouest, dont elles auraient dû tirer parti pour rétablir la royauté