Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/100

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cathédrale et un séminaire pour leur diocèse sans que le gouvernement s’oblige à les doter. « Une simple observation à ce sujet : c’est en 1885 seulement qu’on est revenu à l’application stricte du Concordat au sujet des chanoines qui forment les chapitres. Jusqu’à cette année-là, ils ont touché un traitement, et le budget de 1904 porte encore de ce chef une somme de 160 000francs. Quant aux séminaires, qui longtemps reçurent des allocations du gouvernement, M. Delpech[1] écrivait à leur sujet, en 1901 : « Il y a environ 300 séminaires pour 91 diocèses. Ce sont, pour la plupart, des établissements d’enseignement secondaire jouissant de conditions privilégiées… »

Et le Concordat, comment le respectait-on ?…

§ 4. — L’article fondamental, au point de vue « économique », est l’article 13 ainsi conçu[2] : « Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l’heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle, ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés et qu’en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leur ayants cause. » Dès le début des négociations, Bonaparte affirma sa volonté absolue d’obtenir du pape la reconnaissance de l’aliénation des biens du clergé. Il fit présenter cette aliénation comme résultant d’une offrande, d’un sacrifice des ecclésiastiques pour contribuer à sauver la patrie[3]. La papauté se soumit. Jamais Bonaparte n’aurait pu céder sur ce point, car ce n’est pas seulement à une hostilité ironique qu’il se serait heurté, comme il advint lorsqu’il parla du Concordat devant le pays, mais à un soulèvement véritable. C’est la bourgeoisie qui se serait révoltée et nous savons que c’est elle qui était pour Bonaparte la classe appelée à le soutenir. Tout au contraire, en faisant nettement proclamer par le pape qu’il ne serait pas touché aux biens d’église aliénés, il allait avoir un moyen de plus pour séduire son alliée. Il y eut des bourgeois « philosophes » parce que, propriétaires de tels biens, ils craignaient les revendications ecclésiastiques, qui revinrent à l’église le jour où ils furent certains de n’être pas inquiétés. Et cette considération n’est pas à négliger pour nous puisque, nous le verrons, la bourgeoisie a été la première reconquise après le Concordat par la religion catholique. Il y a eu à cela d’autres motifs, mais il est certain que la raison d’ordre purement économique a été très importante, peut-être capitale. Et pourtant, que vaut cette renonciation de la papauté au nom de tout le clergé ? La véritable guerre religieuse était-elle encore possible au sujet des biens ? Non, c’est de toute évidence. La situation nouvelle était stable, absolument stable en raison de la victoire définitive de la Révolution sur l’Église,

  1. O. c., p. 9.
  2. L’article 12 porte : « Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires aux cultes, seront remises à la disposition des évêques.
  3. Note de Bernier à Spina, 12 novembre 1809.