Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/211

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Or il en fut sensiblement de même pour tout ce qui figure dans le sénatus-consulte organique. Par lui, la parole est rendue au Corps législatif : il ne fut presque plus réuni. Par lui, le Tribunal est maintenu, mais divisé en trois sections (législation, intérieur, finances), et délibérant à huis clos ; en 1807, il est supprimé parce qu’il conservait encore, selon les termes d’un rapport officiel « quelque chose de cet esprit inquiet et démocratique qui a longtemps agité la France ». Tous les légionnaires entrèrent de droit dans les collèges d’arrondissement ; tous les grands officiers, commandeurs et officiers de la Légion d’honneur entrèrent de droit dans les collèges de département, ce qui diminuait l’indépendance des électeurs qui déjà en avaient peu. C’est le même esprit qui avait attribué à l’empereur le droit de faire entrer au Sénat autant de membres qu’il lui plairait, moyen sûr de changer la majorité.

Le serment de l’empereur, à qui était confié « le gouvernement de la République », était le suivant : « Je jure de maintenir l’intégrité du territoire de la République, de respecter et de faire respecter les lois du Concordat et la liberté des cultes ; de respecter et de faire respecter l’égalité des droits, la liberté politique et civile, l’irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôt, de n’établir aucune taxe qu’en vertu de la loi ; de maintenir l’institution de la Légion d’honneur ; de gouverner dans la seule vue de l’intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français ». Ce texte contient en résumé tous les desiderata de la classe bourgeoise, il est la condensation des vœux formés en 1804 par l’immense majorité de la nation trompée, bernée par Bonaparte et entraînée vers les pires abîmes.

Au point de vue administratif, il n’y a entre l’Empire et le Consulat à vie que de légères différences : la centralisation dans la main de Bonaparte devient absolue. Comme créations, notons le ministère de l'administration de la guerre, qui prépare tout en vue de la guerre, tandis que le ministre de la guerre agit ; la secrétairerie d’État, dont le titulaire était « le ministre des ministres, donnant la vie à toutes les actions intermédiaires, le grand notaire de l’Empire, signant et légalisant toutes les pièces ». Depuis pluviôse an IX, un ministère du trésor fonctionnait à côté du ministère des finances. Mollien fut ministre du trésor de l’Empire et, par lui, furent vérifiées toutes les dépenses. Quant à l’administration départementale et municipale, elle resta ce que l’avait faite la loi de pluviôse an VIII, sauf qu’elle fut de plus en plus domestiquée. Il n’y a d’agissant dans l’Empire que l’empereur. Prodigieusement actif, il travaille sans relâche, voulant contrôler tout ce qui se fait dans les ministères, lisant les rapports et la correspondance ministérielle. Il veut connaître aussi bien les scandales découverts par la police de Fouché[1], que les notes diplomatiques reçues ou envoyées par Talleyrand ; il veut savoir

  1. Fouché redevint ministre de la police le 22 messidor an XII (11 juin 1804). Il fut ainsi payé de son zèle pour l’établissement de l’Empire.