Rhône, de la Gironde plus tard, firent campagne contre les compagnons et ne trouvèrent pas de résistance. L’opinion publique, du reste, ne pouvait se prononcer pour les ouvriers affiliés aux sociétés de compagnonnage en raison des rivalités et des haines, séparant les différents groupes de compagnons, rivalités trop souvent marquées par des meurtres et des violences[1]. Mais le gouvernement ne se servait de ces violences que comme d’un prétexte ; l’essentiel pour lui était d’empêcher des réunions d’ouvriers. Un exemple qui le montre avec force, est le refus qu’il opposa à une tentative du préfet de Bordeaux, pour grouper les ouvriers de cette ville, dans le but de les mieux observer, le seul fait du groupement paraissant dangereux ! « Le préfet de la Gironde, dit un rapport[2], soumet à l’approbation de S. E. le sénateur, un arrêté qui a pour but de faciliter la surveillance des ouvriers à Bordeaux et dont les principales dispositions offrent à la pensée le rétablissement des corporations : le maire est autorisé à réunir les chefs d’ateliers, ouvriers de chaque profession et hommes de peine, pour créer parmi eux des inspecteurs et sous-inspecteurs. Le premier choix doit être fait par le maire. Dans la suite, ces surveillants seront choisis par les ouvriers mêmes et renouvelés tous les ans par moitié. Ces inspecteurs et sous-inspecteurs doivent tenir état de tous les ouvriers et des renseignements sur la conduite, la moralité, les moyens d’existence de chacun d’eux, etc., de manière qu’ils puissent fournir à l’autorité, à toute réquisition, les renseignements qu’elle exigera. Ils exerceront en conséquence une espèce de surveillance et de police sur tous leurs subordonnés. On observe que la faculté d’élire des inspecteurs, confiée à des ouvriers, a des inconvénients. Les corporations ayant été supprimées ; toute mesure indirecte qui tend à les rétablir, ne peut être que l’effet d’une loi ou d’un décret impérial. »
En résumé, et d’une façon générale, le prolétariat ouvrier apparaît bien pendant le Consulat et l’Empire comme entouré de barrières qui doivent l’isoler de la nation, et dans la classe prolétaire elle même, l’individu est isolé et condamné à demeurer tel. Tenu dans cette condition sociale tout à fait inférieure, le prolétariat ne bouge pas, parce que Bonaparte le gave de gloire militaire, parce qu’il est lassé et épuisé par les luttes de la Révolution, parce que le pouvoir veille à ce qu’il ne manque pas de pain.
Bonaparte voulut toujours être exactement renseigné sur l’état des approvisionnements en France d’une manière générale, à Paris en particulier, et dans sa correspondance, comme dans les documents d’archives, on trouve la trace constante de cette préoccupation[3]. En l’an IX et surtout en l’an X où la
- ↑ Il y avait Les enfants de Salomon ou Devoir de liberté, comprenant les tailleurs de pierre, les menuisiers (gavots), les serruriers et les Enfants de Maître Jacques ou compagnons du Devoir, association strictement catholique de nombreux métiers. Voir Martin Saint-Léon, o. c. pp. 91 et 99.
- ↑ Archives Nationales, F7 3711.
- ↑ Voir Levasseur, o. c. I, p. 330, note 1.