Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/316

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traité quelconque, d’avance, proclamé ruineux. En 1793, la Convention nationale recommence la guerre de tarifs et un décret va jusqu’à menacer de vingt ans de fer les importateurs de produits manufacturés en Angleterre, en Écosse, en Irlande. Le Directoire reste fidèle à cette politique, et une loi du 31 octobre 1700 reproduit à peu près les mêmes dispositions, sauf en ce qui concerne la pénalité, que le décret de la Convention.

Et cette loi est présentée comme une panacée souveraine, capable de remédier à tous les maux. Écoutez plutôt ce passage de l’exposé des motifs :

« Voulez-vous ranimer votre commerce, relever vos manufactures, rétablir vos ateliers ? Voulez-vous priver nos ennemis de leur plus grande ressource pour nous faire la guerre ? Voulez-vous forcer le gouvernement britannique à traiter sincèrement de la paix ? »

C’est au traité d’Amiens qu’aboutissent ces appels grandiloquents : on sait ce qu’il dura.

Napoléon ne fut donc pas l’innovateur de cette politique douanière, à laquelle toutefois il devait donner une singulière ampleur, essayant de réaliser, en semant la teneur par toute l’Europe, le plan timidement conçu par des précurseurs moins osés.

Son premier souci fut de convaincre le tsar Alexandre de la nécessité d’une alliance contre l’Angleterre ; et il parvint à persuader au souverain russe que l’opiniâtreté des Anglais à maintenir leur prépondérance maritime était la cause de tous les maux du monde civilisé ; que la France, ayant perdu ses colonies, sa navigation et la plus grande partie de son commerce, avait été poussée malgré elle à des agrandissements ; qu’il fallait conquérir la liberté des mers sur l’Angleterre en excluant sévèrement ses vaisseaux et ses marchandises des ports de l’Europe ; qu’alors ce qu’il pouvait y avoir d’onéreux dans le système continental cesserait de soi-même, et que toutes les occupations industrielles prendraient un nouvel essor, tandis que la paix générale serait garantie par l’union des deux puissances prépondérantes.

Et c’est ainsi qu’à Tilsitt fut arrêtée la ligne de conduite des deux empereurs. Napoléon n’avait toutefois pas attendu cet accord pour prendre les premières mesures, et c’est à Berlin, le 19 novembre 1800, qu’il rendit le fameux décret organisant le blocus.

Rappelons les dispositions principales de ce décret.

L’exposé en est violent et dénonce l’Angleterre comme n’observant pas le droit des gens suivi universellement par les peuples policés, et ayant une conduite digne en tous points des premiers âges de la barbarie. Le voici :

« Nous, empereur, des Français, roi d’Italie, etc., considérant,

« 1° Que l’Angleterre n’admet point le droit des gens suivi universellement par tous les peuples civilisés ;