Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/333

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le Portugal ; le régent fut sommé, lui aussi, d’entrer dans le blocus continental, de déclarer la guerre à la Grande-Bretagne, de confisquer les marchandises anglaises, d’arrêter les Anglais et de saisir leurs propriétés. Le régent était tout disposé à faire, du moins en apparence, toutes les concessions demandées, mais Napoléon se prévalut d’un refus opposé à l’une de ses conditions et Junot reçut l’ordre de pénétrer en Espagne avec 25 000 hommes et de se diriger, à marches forcées, vers Lisbonne où il entra le 30 novembre. Ce fut le début, dans la péninsule ibérique, de la longue et terrible guerre dont nous dirons plus loin les tragiques péripéties.

Mais poursuivons, sans nous attarder, le tableau de ce bouleversement européen. En Allemagne, la tyrannie napoléonienne se fait particulièrement brutale : au lendemain de Tilsitt, en novembre 1807, l’empereur place son frère Jérôme sur le trône de Westphalie et il oblige le duc de Mecklembourg, les États thuringiens, le roi de Saxe à entrer dans la Confédération du Rhin, cette confédération dont il se disait seulement le protecteur, mais où il parlait en maître absolu. L’application du blocus continental y fut particulièrement violente et les autodafés, dont nous parlions plus haut, s’allumèrent en même temps à Francfort, à Stuttgard, à Bade, à Munich, à Dresde et à Leipzig ; il se produisit alors, sur le sucre et le café, une hausse formidable qui exaspérait la population : loin de profiter du régime prohibitif, l’industrie, gênée par les tracasseries douanières, périclite de plus en plus ; les produits d’exportation comme les grains, les bois, les chanvres et les laines ne peuvent plus sortir des ports de Hambourg et de Brême et le mécontentement va grandissant du Rhin à l’Oder, faisant présager aux observateurs perspicaces le prochain déchaînement d’un irrésistible mouvement patriotique.

Dès octobre 1807, l’Autriche est également sommée de prendre parti contre l’Angleterre et M. de Metternich est obligé de signer à Fontainebleau une convention par laquelle François II s’engage à rompre toutes relations avec la Grande-Bretagne. Mais la cour autrichienne ressentit vivement l’humiliation qui lui était ainsi infligée et se consacra dorénavant à la préparation d’une revanche : c’était encore de ce côté la guerre prochaine, et elle éclata, comme nous le verrons, en 1809, obligeant Napoléon à abandonner précipitamment les champs de bataille de l’Espagne.

Nous sommes loin d’en avoir fini avec les conséquences du blocus continental et nous devons aborder maintenant, au risque d’anticiper un peu sur l’ordre chronologique des événements, la question de Hollande.

En 1806, par un odieux abus de sa force. Napoléon avait étranglé la République batave, érigé la Hollande en royaume et placé sur le trône Louis, son troisième frère.

Pour être juste, il faut reconnaître que celui-ci prit au sérieux son rôle et qu’il s’efforça de soutenir les intérêts de se nombreux sujets, se refusant