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Empire) que de misères et de ruines furent amenées par le blocus continental !

Notre commerce extérieur subit tout naturellement une brusque débâcle et les chiffres sont édifiants dans leur brutale éloquence : alors que l’ensemble de nos échanges représentait, en 1806, 933 millions dont 456 millions d’exportations, il tombe en 1812 à 640 millions dont 383 millions d’exportations.

En 1808, la misère en France est terrible : au mois de juin, le préfet des Bouches-du-Rhône signale au ministre de l’Intérieur que cette misère est due au défaut de travail par suite de la rareté des matières premières, par suite aussi de l’agiotage sur les denrées coloniales.

« Le renchérissement subit et extraordinaire du coton, écrit-il, a suspendu la filature et la fabrique et plonge dans la misère au moins dix mille individus qui n’ont aucun autre moyen d’existence. »

C’est qu’en effet des spéculations opérées sur la place de Marseille avaient produit sur les denrées coloniales une hausse aussi exorbitante que rapide : la même marchandise avait été vendue plusieurs fois dans le même jour avec des bénéfices considérables et les opérations de jeu bouleversaient scandaleusement le marché.

Une lettre du préfet de Marseille datée du 11 juin 1808 en témoigne. La voici, telle que nous en avons pris copie aux Archives nationales :

Monseigneur,

« Des spéculations faites sur la place de Marseille ont produit depuis 15 jours dans les prix des denrées coloniales une hausse aussi exorbitante que rapide : la même marchandise a été vendue plusieurs fois dans le même jour à de gros bénéfices. Ces opérations n’étaient plus qu’un jeu scandaleux auquel on se livrait avec une publicité scandaleuse.

« Ce jeu s’est étendu depuis trois jours jusqu’au riz, dont le prix est monté de 20 francs le quintal à 38 francs ; il se propageait à Aix et dans plusieurs villes de la ci-devant Provence et menaçait d’atteindre les légumes secs, les pâtes, les grains et cætera.

« Cet état de choses a occasionné de vives inquiétudes parmi les consommateurs et de la rumeur de la part du peuple ; il a excité la sollicitude de MM. les maires d’Aix et de Marseille et de M. le commissaire général de police, qui m’ont demandé de leur indiquer les mesures propres à faire cesser ces abus.

« Cette matière est extrêmement délicate : la cherté des denrées coloniales, quoique produit par des spéculations éhontées, avait un prétexte dans la rareté progressive de ces denrées, dont l’importation est nulle depuis plusieurs mois.

« Mais la hausse du prix du riz, qui peut être considéré dans ce pays