Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/388

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lement des seconds se rendirent à l’appel impérial et, dès les premières séances, il se manifesta dans les rangs épiscopaux la volonté très ferme de résister aux exigences impériales. Les membres du Concile, malgré l’insistance de Napoléon, déclarèrent notamment que pour l’institution des évêques, on ne saurait se passer des bulles pontificales. C’était un coup direct à la politique de Napoléon qui entendait échapper définitivement à toute immixtion de l’autorité papale dans les affaires ecclésiastiques de l’Empire.

Mais ce que Napoléon ne pouvait obtenir des évêques réunis en concile, il le leur fit accepter ; à force de promesses ou de menaces, dans des audiences privées où les prélats furent conviés. Là, l’empereur obtint quatre-vingt-huit signatures approbatives de ses projets, et il parut avoir définitivement gain de cause ; mais de nouvelles difficultés surgirent, la question demeura en suspens et le Concile de Paris se sépara sans l’avoir réglée.

Dès lors, Napoléon prit vis-à-vis du clergé une attitude de plus en plus sévère :

« Il n’admet point, dit Debidour, que la moindre faveur soit accordée aux séminaires des diocèses dont les évêques ne se sont pas fait remarquer au Concile par leur docilité. Les élèves de ces établissements ne devront obtenir ni bourses, ni exemptions du service militaire. Les sulpiciens ne devront plus enseigner dans aucun séminaire. L’important décret du 15 novembre 1811, relatif au régime de l’Université, ne se borne pas à interdire le plein exercice aux institutions libres et à exiger que leurs élèves suivent les classes des lycées ou des collèges partout où existe un de ces établissements. Il prescrit aussi que toutes les écoles secondaires consacrées à l’instruction des élèves se destinant à l’état ecclésiastique seront soumises entièrement à l’Université ; qu’il n’en sera conservé qu’une seule par département, que les autres seront fermées et que les élèves des écoles maintenues seront, eux aussi, conduits au lycée ou au collège pour y suivre leurs classes.

Nombre de prêtres, devenus suspects, sont, à partir de cette époque, arrêtés, enfermés à Fenestrelles ou dans d’autres prisons d’État, sans la moindre forme de procès. Dans les diocèses vacants, les chapitres sont plus que jamais sommés de reconnaître, comme administrateurs provisoires, les évêques désignés par l’empereur.

Nous arrivons ainsi au 27 mai 1812, où Napoléon donne l’ordre d’un nouveau coup de main contre la papauté : Pie VII est enlevé de Savone et conduit à Fontainebleau où il sera plus facile, pense-t-il, d’intimider le vieillard.

Pie VII arriva fort malade à Fontainebleau, où il dut garder le lit pendant plusieurs mois, en proie aux obsessions des cardinaux dévoués à l’empereur, qui lui montraient la nécessité d’une réconciliation. Tous les efforts des officieux étant restés vains, Napoléon, à son retour de Russie, résolut une suprême démarche.