Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/427

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appela comme professeurs, entre autres, Schleiermacher, Hubeland, Reil, Klaproth.

Ainsi les plus puissantes organisations d’État avaient apporté au relèvement du sentiment et du besoin de l’autonomie nationale un concours très efficace ; mais il serait profondément injuste, à ce propos, de méconnaître l’action incessante, habile ou chaleureuse, exercée dans ce sens par deux très remarquables ministres de Frédéric-Guillaume, le baron de Stein et Scharnhorst, et par les plus notoires littérateurs romantiques de cette époque, Moritz Arndt, Collin, Ruckert, Max de Schenkendorf et Koerner.

Le baron de Stein, en qui l’on voit à bon droit le plus judicieux réformateur de la Prusse, était devenu ministre de Frédéric-Guillaume en octobre 1807. Le souverain semble, à ce propos, s’être laissé forcer la main, car, si le nouveau ministre avait déjà, en arrivant au pouvoir, la faveur de l’opinion publique, il n’avait guère la sympathie du roi, et l’intelligence et les succès de ses réformes ne la lui concilièrent pas davantage dans la suite. Des esprits indulgents et certains sociologues trop empressés ont voulu voir en Stein un précurseur du collectivisme d’État. C’est aller, ce me semble, trop vite et trop loin. Il est vrai que Stein se montra, dès l’abord, partisan de la centralisation du pouvoir par l’État ; cette prédilection pour ce qui n’était chez lui qu’un mode plus rationnel de souveraineté et d’administration politique ne saurait valider l’appréciation que je rappelais plus haut. D’ailleurs, les réformes dont il faut attribuer l’esprit, l’initiative et la réalisation à Stein suffisent amplement à sa juste renommée. On lui doit d’avoir fait promulguer, en 1807, l’édit par lequel le roi abolissait la sujétion héréditaire et rendait libre de toute contrainte administrative ou fiscale la transmission des propriétés foncières. Grâce à lui, les franchises communales furent rendues, l’année d’après, aux villes prussiennes. Enfin, à l’époque même où sa démission était demandée pour raisons politiques, Stein réformait radicalement le corps administratif de l’État par la suppression de la Direction générale, à laquelle il substituait des gouvernements régionaux hiérarchiquement soumis au contrôle d’un conseil d’État, qui devait être le meilleur appui de la monarchie. Stein, du même coup, supprima les privilèges consentis depuis des temps immémoriaux à certaines provinces, et fit à peu près disparaître ainsi ce qui restait des vieilles organisations féodales.

Ce que Stein avait fait dans l’administration civile, tout l’ordre qu’il avait apporté dans la répartition, l’homogénéité et la consolidation du pouvoir, Scharnhorst pensa le réaliser dans l’armée. Nous ne saurions, sans excéder dans une large mesure les limites imparties à ce travail, nous étendre sur les détails et le caractère des réformes de Scharnhorst, mais il nous paraît néanmoins qu’il est fort utile d’en exposer les grandes lignes, puisque c’est aux réalisations de ces mesures que les succès de la Prusse, vers 1813, doivent être, en partie, attribués.