Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/513

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d’un psychologue. Les traits des visages qu’il reproduit sont uniformément compris et exprimés ; la vie parait en être absente, c’est vraiment un tableau dans le plus déplorable sens qu’on puisse attribuer à ce mot ; l’œuvre entière est d’une agréable couleur, encore que terne ; mais on se lasse vite d’y chercher vainement de la vérité et de la vie, c’est à dire autre chose que de la correction, de la solennité et une certaine noblesse pompeuse et officielle.

La situation considérable qu’il occupait dans l’Empire, les grâces et les privilèges dont il était souvent comblé avaient assuré à David l’estime et le respect des jeunes artistes. Autour de lui, des peintres encore incertains sur les orientations propres à leur personnalité s’étaient groupés ; ainsi se constitua un des plus célèbres ateliers de ce siècle. L’influence du maître ne laissa pas d’empreinte définitive sur les talents originaux des peintres qui la subirent, et c’est en donner la preuve la plus exacte que de citer Girodet, Gros, Gérard, Isabey, Ingres, Delescluze, qui furent les plus célèbres élèves de David.

Gros ouvrit également un atelier, imitant en cela David, Guérin, qui fut bientôt entouré d’une pléiade de jeunes artistes, dont quelques-uns nous ont laissé d’incomparables chefs-d’œuvre : Carle Vernet, Bertin et plusieurs autres.

C’est en reprenant rapidement l’histoire des salons de peinture sous le premier Empire que nous aurons une idée à peu près exacte de l’ordre dans lequel les plus célèbres productions des peintres de l’époque virent le jour.

Au Salon de 1808, parmi tant d’autres aux œuvres desquels il ne faut pas dénier tout talent, les peintres suivants exposèrent : David, Gros, Prudhon, Guérin, Gérard, Ingres, Carle Vernet, Delescluzes. Il est à remarquer, et ce n’est pas un détail de médiocre importance, que toutes les compositions exposées par les artistes dont nous venons de rappeler les noms illustraient la politique et la destinée impériales. Toutes les fresques et toutes les toiles prétendaient éterniser la mémoire de Napoléon et le souvenir de ses bienfaits ou de ses victoires. L’empereur avait d’ailleurs déterminé lui-même une telle orientation, ne craignant pas d’exclure délibérément du Salon tout ce qui n’était pas une célébration de ses exploits personnels ou une exaltation de l’honneur national. Cette tyrannie prodigieuse exercée sur l’inspiration même des artistes ne laisse pas de surprendre encore, malgré qu’on veuille s’habituer aux excès d’autorité où s’abandonnait le despote décidé à imprimer sur toutes choses le sceau écrasant de sa personnalité. Seul, au Salon de 1808, Ingres, avec quelques peintres de médiocre talent, paraît n’avoir point suivi cette tradition. L’antiquité offrait encore à son talent une source d’inspirations trop féconde pour qu’il songeât à l’abandonner.

Ce fut, en effet, lors du concours décennal que l’empereur fit savoir ses