Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/195

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de 1822, tomba avec l’automne et le corps sanitaire demeura survivant à sa fonction pacifique. Pour quelle fonction belliqueuse ? Et surtout pourquoi le renforcer au point de porter l’effectif à 50 000 soldats ?

L’esprit public, un peu lent à s’émouvoir, parce qu’il était partiellement informé, ne se posait pas encore toutes ces questions et l’intrigue ministérielle, savamment ourdie, ne s’épanouissait pas encore dans un résultat monstrueux. Mais, en Espagne, et ce n’est pas une coïncidence fortuite, l’esprit de la contre-révolution fut fortifié. Ferdinand, qui tremblait devant les rebelles ministres que la Constitution lui imposait, tremblait moins : il éludait les problèmes, attendant le jour où, plus hardi, il les écarterait. En même temps, les partisans de l’absolutisme relevaient le parti, tiraient l’épée. C’est de France que partaient les volontaires du fanatisme, de Bayonne, de Toulouse.

En même temps qu’eux, les encouragements belliqueux venus de Paris passaient la frontière. La France d’autrefois s’exaltait à la pensée que la Révolution extirpée, croyait-on, du vieux sol gaulois, allait resplendir sur le sol rocailleux de l’Espagne et que la patrie sanglante de l’Inquisition expierait ses formidables forfaits. Ferdinand, autre Louis XVI, était le représentant lointain de la cause légitime. C’était un Bourbon, et la France n’assisterait pas une seconde fois à l’épreuve impie où une couronne et une tête s’étaient de si près suivies dans leur chute. Ainsi, cette rhétorique exaspérée, comme un souffle d’orage, traversait la frontière et allait, contre l’indépendance espagnole, réconforter les insurgés royalistes. Mais la rhétorique ne fut pas la seule arme que trouvèrent nos royalistes français. De l’argent, de la poudre, des fusils, furent apportés aux révoltés sous la surveillance complaisante du Gouvernement.

En Espagne, soutenue par tous ces témoignages, l’insurrection royaliste devenait, pour les libertés publiques, un péril. C’était de l’Église qu’était parti le mot d’ordre. Afin de refaire les finances de l’État et d’obvier à la faillite nationale, le Gouvernement espagnol avait levé des impôts. Il avait frappé les privilèges, surtout les privilèges ecclésiastiques, qu’il rémunérait en même temps d’une indemnité suffisante. L’origine de la révolte était donc dans l’âpreté des revendications économiques en même temps que dans l’ardeur d’un zèle fanatique. Et dès les premières rencontres, l’insurrection fut appuyée par la présence de l’armée française, adossée à la frontière, conduite par un jésuite hardi dont le crucifix meurtrier en son symbole miséricordieux frappait au front les ennemis. Ferdinand, encouragé, relevait la tête : il la du baisser, en apprenant cependant que les troupes régulières avaient eu raison de l’insurrection. Mais voici qui allait le réconforter : sa garde, inspirée par sa femme et par lui-même, se révolte. Elle va être maîtresse de la ville et marche sur les Cortès quand les miliciens et les partisans de la Charte la déciment et la massacrent. De nouveau la Constitution a vaincu et Fer-