Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/197

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lèle ne pouvait, sans se trop découvrir, faire obstacle à ce choix. Il crut qu’il serait suffisant de donner à M. de Montmorency des instructions précises et de lui dicter une réserve prudente. Il lui fut donc recommandé de jouer un rôle effacé « de ne pas être le rapporteur » des affaires d’Espagne et surtout de ne pas permettre que le rôle de la France fût indiqué par les puissances, la France voulant se réserver toute liberté d’action. En même temps on adjoignait à M. de Montmorency M. de Chateaubriand, qui venait de remplacer à Londres, comme ambassadeur, M. Decazes, démissionnaire.

La réserve imposée à M. de Montmorency était puérile et M. de Villèle était doué d’un trop pénétrant esprit pour s’imaginer que ces faibles lisières embarrasseraient la véhémence fanatisée de son envoyé. D’ailleurs, à interroger l’esprit et non la lettre de son mandat, M. de Montmorency tenait le droit d’agir en faveur de l’intervention. Certes l’opinion de M. de Villèle était défavorable à l’entreprise. Mais le Conseil tout entier et le roi lui étaient gagnés. Or, M. de Montmorency ne représentait pas M. de Villèle, mais le roi. Et dès son arrivée, déchirant la commission prudente qu’il avait reçue, il posa la question redoutable : Si la France retire de Madrid son ambassadeur, que feront les puissances ? Si elle intervient, lui prêtera-t-on un secours moral et même matériel ? L’Angleterre, par l’organe de Wellington, récusa le Congrès, s’opposa même au débat et refusa même de signer les procès-verbaux. La Prusse et l’Autriche promirent de retirer leur ambassadeur et de fournir un secours moral ; seule, la Russie prêtait même la caution matérielle de son appui.

Ainsi la question était posée, résolue, en dépit de M. de Villèle, en dépit de ses ordres précis, de ses sages remontrances, de ses hautes leçons de prudence diplomatique dont sa correspondance (3e volume) porte la trace. Mais que faire ? M. de Villèle résista encore. Il attestait que le pays ne lui était pas hostile dans sa répugnance à cette guerre et prenait à témoin le cours de la Bourse, le taux de la Rente qui avait baissé pendant que se nouait à Vienne contre l’indépendance espagnole cette intrigue internationale. Il essayait, par le cabinet anglais, d’aboutir à une transaction où le roi et le pays trouveraient leur compte et qui désarmerait les puissances. Même ce paradoxe se produisit que la Prusse, la Russie, l’Autriche retirèrent leur ambassadeur avec des formules variées, la Prusse poliment, l’Autriche durement, la Russie avec une insolence voulue. Le colonel répondit en donnant des passeports et en haussant lui aussi le ton jusqu’au mépris et jusqu’à l’insulte. Et la France, dont l’envoyé avait posé la question, gardait à Madrid son ambassadeur !

Mais M. de Villèle était au terme de la résistance. Le parti religieux veillait. C’était une intervention en faveur de la religion que méditait la Congrégation, ou plutôt une entreprise contre-révolutionnaire. Pour la Congrégation, défendre le roi, c’était défendre à la fois le principe de la légi-