Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Heureusement la logique n’habitait pas sur les hauteurs de Saint-Cloud, où, parmi le luxe et la somptuosité suprême de cette dernière demeure, errait un roi épouvanté de sa tentative. Trois jours de combat, les représentations de Vitrolles, de MM. de Sennonville et d’Argout, l’inconscience hébétée de M. de Polignac, le silence des autres ministres, la création d’une commission municipale, le surgissement de La Fayette armé de l’épée civique, tout inclina à la fin cet esprit à la conciliation. Il était trop tard ! Le roi s’imaginait qu’il lui suffirait de nommer M. de Mortemart président du conseil et de révoquer six ministres pour tout changer. Il le fit. Mais quand, sur les conseils de Vitrolles, on lui présenta la révocation des ordonnances comme nécessaire, il signa sans vouloir lire. M. de Mortemart, incapable, vint errer dans Paris, comme une épave sur une mer houleuse. Il perdit toute une journée — celle du 30 juillet — à chercher à qui parler. Il alla à la Chambre des pairs, ne vint pas à la Chambre des députés, où on l’attendit vainement, fut éconduit par la commission municipale, qui refusa, sous le prétexte qu’elle manquait de pouvoirs suffisants, de recevoir la révocation des ordonnances, finit enfin par se faire donner acte par La Fayette du dépôt qu’il effectuait au nom du roi, s’engouffra obscurément dans ce mouvement comme dans une mer, et si profondément qu’il ne put même pas aviser du résultat de ses démarches le roi, qui attendit vainement un jour et une nuit une communication de son envoyé.

Cependant l’insurrection ne pouvait pas attendre de la grâce des événements une solution. Le peuple avait rendu nécessaire cette solution. Qui allait la dégager ? Après l’heure des résolutions vint l’heure des intrigues. Les libéraux, effrayés autant de l’indomptable énergie du peuple que de l’âpre tyrannie des Bourbons, cherchaient à asseoir leur fortune entre ces deux camps violemment ennemis. Des démarches furent faites par M. Laffitte, en leur nom, auprès du duc d’Orléans qui, au début des événements, s’était subitement effacé. Il s’était exilé au Raincy, à l’insu de tous, et d’inutiles visites lui furent faites à Neuilly. Il vint enfin sur un mot pressant de Laffitte. Son état d’irrésolution était extrême ; le désir violent de la couronne était combattu en lui par la crainte de l’insuccès, soit que le trône branlant se raffermît, soit que le peuple, allant jusqu’au bout de son mouvement, fondât la République. Même il expédia à Charles X une lettre où il se déclarait son fidèle sujet… Mais soudain il la fit redemander au porteur. Que s’était-il passé ?

Fuyant devant le peuple, devant la majesté enfin aperçue de sa révolte, la Cour avait quitté Saint-Cloud pour Versailles. C’était la retraite, la retraite éperdue, au milieu de l’isolement qui précède la triste fin des puissants. Si le roi fuyait, c’est donc que la couronne vacillante allait choir de ce front sans audace et devenir la proie du premier geste. Redevenu courageux, Louis-Philippe enfin répondit : il accepta la fonction de lieutenant-général